Louis-Guillaume le Veillard fils to William Temple Franklin (unpublished)
Bordeaux le 7. septembre 1784

Ce que vous me dites, mon cher ami, du sieur B, ne me surprend pas, L’inconsequence est le caractere naturel d’une grande partie des hommes. Je n’ai rien a vous dire sur la conduite que vous devez tenir a son égard, vous etes a même de juger mieux que personne de ce que vous devez faire, et votre propre impulsion vous guidera infiniment mieux que tous les conseils que l’on pouroit vous donner. Il me semble comme a vous que le nouveau travaille que l’on vous propose n’a nul rapport a celui que vous avez fait jusques a ce jour, et aux connoissances que vous avez aquises. L’état que vous avez suivi jusques a présent peut peutetre vous mener beaucoup plus haut, mais vous seul etes a même de juger de la certitude de son issue. La nouvel place dont on veut vous revetir, paroit valoir une grosse dote elle est des plus lucrative, d’ailleurs son travaille est je crois tres peu de chose, et fort simple et de quelque nature qu’il soit, avec de l’intelligence on vient facilement a bout de tout mais malgré ces considerations, je vous le repete, je ne vous donne aucun avis a cet égard, etant vous même plus en etat que personne de juger de ce que vous devez faire.

Je pense bien que le sieur B. nest pas tout a fait content de son gendre, c’est une bête et rien nest pis que les betes parvenues, leur morgue et leur impertinence leur font perdre le peu de bon sens que la nature leur avoit accordé, et ils sont 4 fois plus fiers, plus hauts, et plus insuportables que les grands seigneurs. Il est donc fort possible que le colonel s’estimant beaucoup et meprisant le reste de l’univers, marque beaucoup de dedain a la famille de sa femme, et ait bien moins que des atentions pour son beaupere. Au surplus tout cela est dans lordre, la vanité a trouvé le moyen de se glisser dans sa tête, il en est puni par la vanité même rien de plus juste et de plus naturel.

Mon ami mon amour de province, n’est pas la plus belle partie de mon histoire, je passe le tems a quereler ou a etre querelé, ce qui souvent est bien loing de mamuser, il y a une tres belle demoiselle qui est folle de moi et jalouse comme un tigre et que je n’aime pas, elle me querelle, me gronde, me boude, me fait la cour et change de caractere 20 fois par jour, je suis amoureux d’une femme qui n’est pas jolie, et qui a des idées inconcevables, je la gronde, elle pleure, je m’apaise et je passe ainsi le tems avec elle une brouillerie finissante et une prete a commencer.

Je vous remercie bien de vos offres obligeantes pour L’Angleterre. Je n’ai besoin de rien dans ce pays. Amusez vous y bien, je m’imagine que vous aurez été rendre visite a vos anciennes connoissances, vous ne maviez pas dit que mon pere etoit bien malade, adieu mon bon ami, aimez moi toujours, et ne doutez jamais de mes sentiments pour vous.

Addressed: A Monsieur Monsieur W. T. Franklin Junior hotel de Mr. son pere a Passy Pres Paris
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