From the Baron de Bérenger de Beaufain (unpublished)
Erlang en Franconie ce 23e. Mars 1784
Monsieur

Permettés Monsieur, que je recourre a la Justice, et Genereuse Protection, de Votre Excellence, dans une Circonstance laquelle, par les tristes et facheuses suites, qu’elle a eu pour moi, ne peut qu’exciter l’attention d’un Coeur aussi equitable, et compatissant que celui de Votre Excellence, Si Elle daigne preter quelques momens a parcourir le Suivant Memoire d’informations, que je prens la liberte de Lui presenter—. Aÿant eu l’honneur, d’ecrire a Vos Excellences, en date du 19 Maÿ 1783, je fus honoré d’une Reponse très Satisfaisante de la part de son Excellence, Monsieur Henrÿ Laurens President du Congrès, des Etats Unis de l’Amerique, dont je joins ici Copie Sub Lett: A. Son Excellence Monsieur le President Laurens, me faisant esperer une seconde Lettre, plus decisive que la premiere, mais cette Seconde ne m’etant point parvenue, Votre Excellence me permettra gracieusement, de recapituler autant en abregé que possible, ma situation trés critique, dans ce moment meme.

Je suis le Neveu, heritier Universel, et legitime, de feu Hector Berenger de Beaufaïn /:mon Oncle Paternel:/ en Son vivant Collecteur de la Douanne Roÿale a Charles:Town, et Membre du Conseil de Sa Majesté Britannique, en la Caroline Meridionale, lequel deceda a Charles: Town le 13 Octobr 1766, aÿant etabli et nommé, Son Executeur Testamentaire en Amerique, le Sieur David Rhind de Charlestown, qui en 1777 perit par Naufrage, en faisant la traversèe pour se rendre a Londres.

Entre les differentes parties de cette succession, se trouvent notamment, deux fonds Terriers, situés sur la Riviere de Savannah, dans le Comté de Granville, lesquels devoient etre vendus a Monsieur Jean Rutledge Ecuÿer, precisement dans le tems, que s’eleva la Contestation, entre l’Amerique, et la Grande Bretagne, mais la Guerre survenue en 1774, empecha la ratification de cette Vente; il appert de plus, que parmi les differentes personnes, de la Caroline, qui devoient a feu mon Oncle lors de Son decès, se trouve entre autres aussi le Sieur Patrice Mackaÿ, habitant de la Georgie, et selon le compte arretté et reglé par feu Mon Oncle lui meme, en son vivant, le 2 d’avril 1764 Patrice Mackaÿ devoit alors, £:5444 Currencÿ de la Carolina ce qui reduit a £700 pour £:100 Sterling produit la Somme de £:778 Sterling—

Je demandois en consequence de L’Executeur Testamentaire David Rhind, de liquider et de realiser cette dette, ce qui n’aÿant pu avoir lieu sur le champ, sans bouleverser entierement, la fortune du debiteur, par une Vente precipitée, d’une partie de Ses Terres, l’excuteur Testamentaire, poursuivant le dit debiteur Mackaÿ en Loi, obtint un Jugement de la Cour de justice, par le quel, pour assurer cette dette la Plantation, et en general les Possessions de Mackay, tant presentes qu’avenir, me furent adjugées, en hipoteque Judiciaire, privative speciale et general, selon que le prouve un Extrait du Compte, de L’execution David Rhind, et joint en Copie sub Litt: B.

Ne pouvant malgré toute ma condecendence, envers mes debiteurs en Amerique point parvenir a realiser, et a percevoir aucune des pretentions, que feu mon Oncle m’ÿ a delaisse, et remarquant chès eux, une Reticence obstinée, je me vu contraint a la fin de 1773, d’en porter mes plaintes, a Sa Majesté George le Roi de la Grande Bretagne, soutenu et appuÿé, par Son Altesse Serenissme, Monseigneur le Marygrave d’Ansbac, dans les Etats duquel je fais ma demeure. Sa Majesté repondit au Commencement de 1774 très Gracieusement;

“Qu’elle donneroit immediatement Ordre, au Comte de Dartmouth, Secretaire d’Etat, pour le departement de l’Amerique, d’examiner mes Griefs, et de pourvoir a ce que prompte et exacte Justice, me soit rendue, mes plaintes se trouvant fondées; etc.

My Lord Comte de Dartmouth, enjoignit aussi tot Ordre, a L’Ecuÿer Guillaume Bull, Lieutenant Gouverneur a Charles.Town &ca

“d’examiner au juste, les griefs et plaintes, contenues dans mon Memoire, et d’en faire tout aussi tot son Rapport, pour l’information du Roi etc. ce dont aussi Monsieur le Lieutenant Gouverneur s’acquita, en envoÿant sous la date du 30 Aout 1774, le dit Rapport, qui verifia a mon avantage ce que j’avois avancé, et me fut communiqué, vers la fin de la sus dite Année.

Par mon second Memoire, presenté a Sa Majesté en 1775, soutenu egalement de l’intercession, de Son Altesse Serenissime, Monseigneur le Marggrave d’Ansbac, je donnois quelques Eclaircissemens, sur divers Articles, de mes griefs, suppliant très Respectueusement,

“Que mes debiteurs soient duement poursuivis en Loi, et contraints ainsi, a me satisfaire. etc

Mais malheureusement pour moi, la Contestation entre la Grande Bretagne l’amerique etant degenerée, en Guerre declarée, je recus par Son Excellence Monsieur le Baron d’Alvensleben, Ministre d’Etat a Londres, pour la Cour d’Hannovre, l’insinuation suivante—

“Que les Circonstances presentes, ne permettoient pas a Sa Majesté, de s’interresser pour moi, aussi efficacement qu’Elle auroit souhaité de le faire, donnant clairement a entendre, que je devois attendre, des Conjonctures plus heureuses, ou des tems plus favorables. etc.

C’est donc dans cette meme, triste et facheuse situation, que je me trouve encore a l’heure qu’il est, et je suis de plus informé recemment, par un Correspondant

“que le Sieur Patrice Mackaÿ, mourut a la fin de 1776, sa femme en 1778, et que le Sieur David Montaigut, fils de Madame Mackaÿ, de Son premier Mari, prit d’abord possession, de la dite Plantation, a moi hipotequée judiciairement, privativement, specialement, et generalement; Que le dit David Montaigut, a été depuis errant, joint, et associé, a beaucoup de Roÿalistes, que l’on a depossedés, qu’il ne savoit ce qu’il deviendroit, et que le Congres des Etats Unis de l’Amerique, a confisqué les biens des Roÿalistes, et ainsi aussi, cette Plantation de feu Patrice Mackaÿ, que David Montaigut, s’est approprié illegitimement, d’abort a la Mort du debiteur Mackay en 1776, nonobstant qu’elle m’aÿe etée adjugée, en hipoteque Judiciaire, privative, et generale, depuis 1768, tant pour le Capital apreté, que pour les interets arrierés, et ceux qui echoieroient par la Suite, et qui monte actuellement, au dela de £. 1700 Sterling:

Votre Excellence entreverra par la, l’injuste prise de Possession, que David Montaigut a fait, sur ma proprieté, et pareillement le droit que j’ai, de reclamer cette hipoteque, laquelle me fut adjugée, Judiciairement en 1768, pour me servir de Sureté; Je supplie donc Votre Excellence, très humblement, de ne point me refuser Sa Gracieuse Protection, pour etre maintenu dans mes droits legitimes, et si justement acquis, d’autant plus, que n’aÿant point quitté mon domicile d’Erlang, et aÿant souffert passivement, j’ai donc observé la Neutralité la plus parfaite, et suis a l’abri de tout reproche, et de tout Soupcon. Je me flatte aussi, qu’en consideration de la Memoire de feu mon Oncle, le merite du quel a ete si generalement reconnu, et apprecié, dans toute la Province, Votre Excellence daignera me tenir digne, de son Gracieux Appuÿ, par des remonstrations efficaces, au Respectable Congrès, des Etats Uni de l’Amerique en ma faveur afin que la Possession illegitime, que David Montaigut, a prise de mon hipoteque, soit aneantie, et que je sois reintegré, dans mes droits, tant sur cette Plantation de feu mon debiteur Patrice Mackay, que sur mes deux autres fonds Terriers, a moi devolus par la Succession de feu Mon Oncle, en cas qu’ils aÿent etés compris, dans la confiscation; me reservant de faire mention, de mes autres debiteurs dans la Suite.

Votre Excellence est assurement trop equitable, et trop Genereuse, pour me refuser une demande aussi fondée, et je suis persuadé que le Respectable Gouvernement, des Etats Unis de l’Amerique, se fera une Loi de briller, et d’affermir son heureuse existance, par l’administration, d’une Justice aussi Religieuse, qu’exacte, et prompte.

Supposant meme que la Commission de Vos Excellences a Paris, aÿe d’autres objets, que ceux de decider dans mon Cas, il est cependant indubitable, que la Gracieuse Protection , et Recommandation de Votre Excellence, ne me soit très favorable, tant pour me faire reussir dans ma poursuite, que pour en accelerer l’heureuse issue; me flattant ainsi d’etre exaucé de Votre Excellence, je recevrai avec très humbles rem[erci]mens, les avis qu’il lui plaira de me donner a cet effet, ne sachant a qui je dois m’adresser en Caroline, pour etre maintenu, et protegé dans mes d[roits ??] et craignant de travailler en vain, si je ne suis Genereusement soutenu de Votre Excellence; j’ose donc esperer Monsieur, d’adjouter icÿ en Copie sub Lett: C: l’inscription du Monument travaillé a Londres transporté de la en Amerique, et erigé par les Respectables habitans de la Caroline, a l’honneur de la Memoire de feu mon Oncle.

Il seroit superflu, de faire entrevoir a Votre Excellence, que n’aÿant [depuis ??] le decès de feu mon Oncle 13 d’Octobre 1766, jusques a aujourdhui, rien pu percevoir de cette succession en Amerique, j’ai eté malheureusement obligé, d’entamer mes autres petits fonds, qui en ont souffert un echec très considerable, que mes Enfans ne manqueront pas, de ressentir après moi, et ma fortune n’etant rien moins que bril[ant] je suis ainsi obligé, de preter toute l’attention possible, pour [conser ??]ver et recueillir, les pretentions que feu mon bienfaiteur, m’a delaissé dans Vos Contrées. Je suis d’origine Francoise, fils de Refugiés, né en Allemagne dans les Etats du Roi de Prusse, dans l’Armé duquel j’eus l’honneur de servir 15 ans, je donnois ma demission a la fin de la Guerre en 1762, après avoir fait les Campagnes très fatiguantes, dont ma santé se ressent encore. En 1763 je me rendis a Charles Town, chès feu mon Oncle, et après avoir fait quelque sejour chès lui, il opina que je devois retourner en Europe, feu ma Mere etant Veuve, Agée, infirme, et n’ayant plus personne que moi, mes freres etants morts. Je me suis mar[ié] a la fin de 1767. Mes Ancetres Refugiés en Allemagne furent sans cesse, dans une Situation plus restrainte qu’aisée, par les [illegible] de differentes Catastrophes disgracieuses, feu mon Oncle prit a Coeur, de redresser la famille de son Frere /:feu mon Pere:/ il renonça pour cet effet au Mariage, et travailla pour relever une famille bor [illegible] depuis longtems, ce fut aussi dans cette Vue, qu’il me nomma son heritier Universel. Se pourroit il donc quelque chose de plus affligeant pour [moi ??] si les travaux et genereuses intentions, de feu mon Oncle etoient aneantis et ne serois je pas obligé de succomber, sous le poids de la douleur, malgré les genereux soins de mon bienfaiteur, je voÿois le Malheur et la ruine de mes Enfans decidé. Que Votre Excellence daigne donc me considerer, comme un Pere justement alarmé, par les craintes de se Voir privé du necessaire, pour pourvoir duement, a l’education et a l’etablissement de sa famille; Elle trouvera ma Situation angoissante; Elle en sera touchée; Elle m’accordera sa protection, et ce sera a Votre Excellence, que je serai sincerement redevable, de tant ce que j’obtiendrai de cette legitime succession; l’age dans lequel je suis, ne me donne plus gueres d’Années a attendre, et j’avoue a Votre Excellence, que si la Providence, me retiroit de ce monde, dans cette situation critique, et avant que d’avoir terminé, cette affaire si importante, pour le bien de mes Enfans, je ressentirois un poids dans mes derniers momens, qui ebranleroit peut etre, ma fermeté, ma tranquilité, ma soumission, et ma resignation, a Ses Ordres Supremes.

Il n’en faut pas d’avantage Monsieur, pour m’assurer, que par un effet de la sensibilité de Votre Excellence, Elle voudra preter une attention favorable, a ce que j’ai eu l’honneur d’avancer; je La suplie tres humblement, d’etre persuadé, que les sentimens de la plus vive Reconnoissance, seront profondement gravés dans mon Coeur, qu’ils passeront de meme, dans les Coeurs, de mes Enfans, et q’unanimement nous ferons des voeux ardens, pour la prosperité, et le bien etre de Votre Excellence, ainsi que pour le bonheur de L’Amerique Unie; C’est dans ces Sentimens, que j’ai l’honneur d’etre, avec tant le Respect possible, et dans la Consideration la plus distinguée. Monsieur De Votre Excellence Le trés humble et trés Obeissant serviteur.

[??]: Baron de Berenger, de Beaufaïn
Conseiller privé, de Son Altesse Serenissime,
Monseigneur le duc Regnant, de Saxe,
Cobourg, et Saatfeld./.
Neanmoins les peines, que je me suis donné jusques ici, je ne puis parvenir a apprendre, le sejour actuel, de Son Excellence, Monsieur le President Henrÿ Laurens; Si Votre Excellence, jugeoit a propos, de m’en informer, je Lui en serois très humblement redevable./.
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