From Hermann Carl Becker (unpublished)
Madrid le 10 Mars 1778
Monsieur,

Je n’ai aucun droit pour pretendre à vos bontés Monsieur, et j’ose cependant y aspirer avec confiance; des ames nobles telles que la voix publique nous depeint la vôtre ne calculent pas les titres de ceux qui reclament leurs conseils et leur assistance. Une belle action ne sçauroit vous couter des efforts Monsieur, et en vous la demandant avec franchise, l’on ne doit pas craindre de pouvoir par là vous deplaire.

L’interet qui me procure l’avantage de vous ecrire Monsieur, ne m’est pas personnel, mais il n’en est pas moins precieux pour moi. Il s’agit du bien etre d’un frere, que j’aime plus que la vie. La cyjointe lettre que ce jeune homme a l’honneur de vous adresser, met son sort entre vos mains Monsieur. Guidé par vos conseils, soutenû par votre protection, il pourra peut être réaliser un jour le projet qu’il a de devenir citoyen d’un Pays libre, et de contribuer par ses liaisons dans les Ports du Nord de l’Europe, sur la Baltique, ainsi qu’avec les meilleurs Fabriquans en Saxe, et en Silesie, à l’avancément des affaires de commerce de votre Republique.

Lui même a l’honneur Monsieur de vous exposer tout au long l’objet de ses desirs. Je ne saurois qu’applaudir à la confiance illimitée avec laquelle il met sa destinée entre vos mains, et je n’ai rien à ajouter à cet égard, si ce n’est qu’il est d’une famille qui a toujours jouie d’une reputation distinguée dans sa patrie, que nos Parents du coté du Pere ont tous occupés des Emplois très honorables dans l’Eglise Protestante, comme ceux du coté de la mere possèdent encore aujourd’hui les premieres places de Robe dans les Tribunaux Suprêmes de la Pomeranie Suédoise.

J’ose me flatter Monsieur qu’à l’egard de toutes ces considerations vous voudrez bien ne pas confondre nos sollicitations avec les importunités d’autres personnes. Daignez Monsieur vous charger à l’égard de mon frere des fonctions respectables d’un Pere, en lui accordant vos conseils avec la même franchise avec laquelle nous les reclamons.

Pour moi Monsieur, en mon particulier, j’ai toujours eté penetré pour vous de cette veneration que vos decouvertes dans la Physique experimentale ont inspiré à l’Europe entiere. Vos ouvrages Monsieur m’ont accompagnés dans les differens Pays ou la Cour de Saxe, à laquelle j’ai voué mes services a bien voulû m’employer. Ils sont encore icy ma lecture et mon occupation favorite, et je suis enchanté de trouver une occasion de vous en temoigner la plus haute admiration, et la reconnoissance la plus parfaite.

Qu’il me soit permis Monsieur de me flatter que quelque puisse etre votre façon de penser au sujet des desirs de mon frere, vous daignerez m’honorer d’un mot de reponse, ne fut ce que pour nous tirer d’incertitude. Je joins pour cet effet mon adresse à mon nom, en bas de cette lettre, et j’ai l’honneur d’etre avec la consideration la plus parfaite, Monsieur, Votre très humble et très obeïssant serviteur

Becker
Chargé des affaires de S.A.S. Mgr.
l’Electeur de Saxe, près S.M. Catholique,
à l’hotel de Saxe à Madrid
à Mr. le Dr. Franklin à Passy
Endorsed: Becker, Madrid 10 Mars 1778
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