From — Brilhac [?] (unpublished)
Rennes ce 29 7bre 1779
Monsieur,

L’homâge que rend a Vos Vertus Le créateûre d’un projet qu’il met sous Votre protection ne sera point soüillé par l’adulation. C’est aux Etâts ûnis de L’Amérique, heüreux de Vous avoir Rémis le dépost de leur Liberté, a cette Nation Belliqueuse ou commence a Regner la tranquilité, la concorde, la doûce authorité des Loix a la plâce de L’esclavâge, et des troûbles de L’anarchie anglaise qui La tourmentoit, c’est a ce peuple trop souvent immôlé pour des intérets étrangers, et tout a coup éclairé sur Les siens, Réûni, Rendû a Luy-mesme, enfin délivré des entraves qui Réténoient captives sa force et sa Vertu, c’est a Luy, Monsieur, a Vous Loüér.

L’Estime, et L’inclination qu’ont fait naitre dans mon coeur patriotique, la Bravoure, les Vertus, et la facile sociabilité de Votre Nation m’ont portés a désirer de la voir s’établir parmi nous. Est-il, en effet, deux nations dans l’univers qui puissent se flâter D’avoir des Rapports plus directs L’une avec L’autre? Ou trouvéra-t-on, Dans deux peuples différents, des coeurs plus Grands, et plus Magnânimes? Si Vous avez concû la mesme opinion de ma nation que celle que j’ay de La Vôtre, Vous étayerez de Vos Lûmiéres, et de Votre crédit un projet dont le Sûcces reûnira nos compatriotes. J’y passe. ~y2

Les places et les ports que L’Eqûité de Votre Droit protégé par L’Estre Supréme, et soûtenû par la Valeûre vient de Vous oûvrir peûvent estre considérables, et vous offrir des déboûchés sûrs pour le Commerce de votre nation. Mais qu’el avantâge précieux ne Vous procureroit pas une plâace françoise, en un mot, un de nos ports, si par hazard vous étiez forcé de céder soit a Des vents contraires, ou a vos ennemis? Je ne m’etendérai point a vous peindre combien un azîle inabordable par les fiers Anglois seroit essentiele, et a Votre Commerce, et a L’intimité qu’il étâbliroit entre Vous et nous. Je ne doute point Monsieur que Vous voyez d’un coup d’oeil de qu’elle Consequence seroit pour Votre nation une place francoise qui, tantost serviroit d’Entrépost a Votre Commerce, et tantost, seroit ûtile a la Consommation de plus Grands projets.. Je me bornerai donc a Vous faire connaitre L’unique, et seul port, suivant moy, et Beaucoup D’autres spécûlateûrs désintéressés, qui Vous conviendroit, c’est celuy De Concarneau en Basse Brétagne. Ce port, en effet, est dans la situation la plus heüreuse exactément entoûré D’îles dont les abords sont des plus faciles a ceux qui en seroient connûs, et des plus difficiles a ceux qui, sans Droit, chercheroient a y décendre, elles vous offriroient autant de rétraites particulières. La profondéüre immense de leurs entrées peut moüiller de très Gros Vaisséaux.

Je ne vous parlérai point, Monsieur, des places Considerables qui Luy servent de frontieres, et qui sont, si l’on peut s’exprimer ainsy, ses protections assurées. Lorient, D’un côté, ~y3 Brest, de l’aûtre, sont et seront toujoûrs, Dans ces parages, j’entend, les ports les plus Redoûtâbles, et les plus Respectâbles pour Les anglois, et pour tous Les ennemis possibles qui y voudroient chasser, ou poursuivre quelque prises. Je ne Vous Repetterai point, Monsieur, Combien le port de Concarneau est unique par sa situation, et par la facilité du Commerce. Cela me paroist D’autant plus inûtile que Vous y avez, ma-t-on assuré, décendû vous-mesme, et que vous connaissez sans doute les différentes isles qui L’avoisinent. Qui mieux que Vous sçait en spéculateur habile, Dirai-je en pere D’un Nouveau monde? dicerner, et choisir les lieux les plus propres, et les plus favorâbles pour Vos concitoyens Devenus Vos Enfants Adoptifs…Sans-doute que la Sonde a la main, et laplomb dans L’oeil Vous avez, Lors de Votre Séjour dans cette ville, scrûté et calcûlé ses Avantâges extérieûres, et ocultes…je le soûhaîte sincèrement parceque j’espère que Vos Connaissances particulieres, D’accord avec ce que j’ay L’honneur de vous mander, vous détermineront a Réfléchir de nouveau a un projet qui Vous doit plûtost sa naissance quà moy mesme, et dont vous seul, s’il réûssit, récéüillérez Les honneurs de L’invention.

Je suis singulièrement flâté, Monsieur, que ce projet me procûre L’avantâge d’ouvrir Correspondance avec vous. Votre Mérite est parvénu jusqu’a moy, et je Chéris infiniment ceux qui, Comme Vous, me forcent a Les assûrer que je suis avec autant D’estime que de Respect, Monsieur, Leur très hûmble et très obéissant serviteur

commandant Brilhac (?)
vicaire general de st. malo
p.s. Si je pûis Vous estre de quelqu’utilité en Brétagne, ne m’epargnez pas. J’attend L’honneur de Votre Réponse avec autant ~y4 d’impatience que j’autai de plaisir a La Récevoir.
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