Louis-Guillaume Le Veillard fils to William Temple Franklin (unpublished)
Bordeaux le 11 fevrier 1783

J’ai reçu avec bien du plaisir, mon ami, votre d[erniè]re Lettre, et je vous renouvelle tous mes remerciments des renseignements que vous avec eu la bonté de me donner. Je les ai mis bien dans ma tête pour en tirer tout le parti possible, le petit batiment va partir incéssament non pour Baltimore, mais pour Philadelphie. Je souhaite que cette expedition réüssisse, mais je crains bien que la declaration de la paix ne nous ameine un grand nombre de concurrents qui ne nuise beaucoup a son succès; je suis enchanté que vous ayez pris en aussi bonne part mes avis, quoique ce fut l’amitié qui les eut dictés, je craignois que vous ne les prissiez pas aussi bien. Ils ne vous auront pas servi de grand chose, car vous aviez fait des réfléctions sans doute beaucoup plus solides que les miennes, et puis voila la ratification de la paix qui je pense doit aneantir votre charge, et ses dépendeances.

Comme je compte entierement sur votre amitié, je vais vous reveler une petite affaire qui me regarde, mais cela sous le sceau du plus grand secret, si vous ne vous sentez pas dans l’intention de le garder, ne tournez pas la page et brulez ma lettre, je n’ai l’ai pas même dit a mon pere, car si mon plan ne reüssissoit pas, je serois au desespoir que qui que ce fut au monde, éxcépté vous, Le sçût, j’aurai besoin de vos avis, mais surtout n’en parlez pas a qui que ce soit, pas même a mon pere, et de peur de surprise aussitôt ma lettre lue brulez la.

Il s’agit d’un établissement pour moi a la Nouvelle Angleterre, on m’associeroit avec une personne dont la conduite, les facultés et les Talents sont generalement reconnus [between the lines: deja d’un certain age]. Je serois sous sa tutelle et guidé par lui, pendant 2 ou 3 ans, il seroit versé en nos mains des fonds majeurs, au moins 150 m. L., peut etre même 300 m. L.; ces fonds nous seroient confiés par des maisons majeures du havre, de Bordeaux, et de Marseille, qui jouissant de la p[remiè]re consideration et des plus grands moyens sont a même de nous procurer de très grandes affaires par elle même et la preferance de celle des autres maisons une d’elle a même une maison au cap qui pouroit nous servir a bonifier nos affaires et a en augmenter la masse.

Comme ce projet tient aux analogies et aux rapports qu’il y aura dorenavant entre vos etats, et le notre et nos colonies, je vous prierai de m’envoyer le traité de commerce qui sera conclu entre la france et vous aussitôt qu’on le rendra publique; je vous prierai aussi de me marquer si vous trouvez ce projet bon, si vous avez quelques objections et observations a faire contre, de me les communiquer. Vous devez sentir combien il est intéréssant pour moi d’étre instruit parfaitement du pour et du contre avant de m’engager dans una affaire de cette éspece, et jose attendre de votre amitié qu’elle me fera part de toutes ses lumieres a cet égard.

Vous voyez que j’ai besoin du plus grand secret, les idees d’un negociant ne doivent etre connues que de lui, la plupart doivent leur fortune a l’ignorance ou tous les autres ont ete de leurs dessins, c’est la chose du monde qu’ils doivent tenir la plus cachee. Outre cette raison j’en ai une autre qui la vaut bien, c’est que si on venoit a savoir que jhai fait part a quelqu’un de ce projet, je serois perdu sans ressource, et que si la chose avoit lieu, je n’y serois pas admis. Ainsi vous tenez ma vie ou ma mort dans vos mains, faites en L’usage que vous voudrez. Je vous connois trop bien pour supposer un instant que vous puissiez en faire un mauvais usage.

Adieu, mon ami, adieu, j’attends votre réponse, je vous souhaite tous les plaisirs possibles, et vous suis devoué a la vie et a la mort

L.V.

Addressed: A Monsieur / Monsieur Franklin Le fils / chez M. franklin ministre plénipotentiaire des etats unis de l’Amerique / à Passy / Pres Paris
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