From Jean Bochard de Champigny (unpublished)
Le 10 aout 1778.
Monsieur

On m’apporte dans l’instant la réponse qu’il a plu à votre Excellence de faire le 24 du mois dernier aux différentes Lettres que j’ai eu l’honneur de lui écrire, et il n’y a pas une heure qu’un de mes amis est parti pour la Haye après avoir mis à la poste une nouvelle Lettre de ma part qui vous sera présentée par son Correspondant de paris à qui il l’addresse.

Quel peu de succès que je me promette de cette derniere et de celle-ci, je crois cependant Monsieur devoir répliquer à la votre du 24, ne fut-ce que pour vous donner une idée plus favorable de ma façon de penser.

Oui Monsieur, je me rappelle avec la reconnoissance la plus vive la façon généreuse avec laquelle vous voulutes bien il y à plusieures années souscrire à mon Histoire d’Angleterre. Il se peut très bien que la bonté seule de votre coeur vous portât à cette démarche par les motifs que vous venez de me déduire mais ni ma façon de penser ni ma naissance ne me permettoient de songer d’obtenir cette faveur à un si bas et si humiliant titre. J’ai toujours eu intention de tenir parole au public, et je la lui tiendrai complètement si Dieu me laisse encore 3 ans de vie. Si je n’ai pas fait paroitre plutot les premiers volumes de mon Histoire d’Angleterre, je me flatte qu’un incendie ou dans une nuit j’ai perdu mille volumes d’un ouvrage qui en avait trois 1 et la maladie continuelle de feue Madame de Champigny qui me fut enlevée en 1774 après avoir constament gardé son lit pendant 18 mois, peut me servir d’excuse Légitime à ce sujet, et vous ne me reprocheriez pas aujourd’huy d’avoir différé a donner les volumes que je promets de cinq mois en 5 mois si vous scaviez que mon premier volume, parti d’ici au mois d’aout dernier, a été retenu à la Chambre sindicale de paris jusqu’a la fin d’avril ce dont vous devez vous être apperçu en recevant ce volume longtems après le second; il y avoit dans la caisse qui contenoit le susdit premier volume des ouvrages pour six mille francs qui n’ont pu rentrer parce que les ouvrages n’avoient pas été remis. Et ayant comptés sur ces remises ainsi que sur l’exactitude de mes Souscripteurs anglois, voiez Monsieur, ou j’en serai si chacun et même votre Excellence me manque de parole, puisque l’impression des deux premiers volumes qui me revient ici a dix mille francs, me rene cette dépense inutile et que je cours risque de me voir ruiné si le public ne me tient pas ce qu’il m’a promis, surtout, Monsieur, ceux qui comme votre Excellence, le peuvent sans s’incomoder, au lieu que les retards qu’on peut me reprocher ne sont venus que par l’impossibilité morale que des obstacles que la prudence humaine ne pouvoit prévoir y ont apportés. Quant à l’histoire de Dannemarck vous verrez par ma premiere d’aujourd’huy ce que j’ai l’honneur de vous dire à ce sujet. Pour celle d’Angleterre, comme je n’ai pas l’esprit prophétique, et que je ne pouvois deviner l’intention que vous aviez de me faire un présent ou si vous l’aimez mieux une Charité, je regarde la chose comme un engagement et vous ne serez sans doute pas scandalizé que je ne l’accepte pas. Je n’en suis cependant pas moins sensible à la part que vous prites alors à mes embaras; il dépendra de votre Excellence de rendre la galanterie complette en paÿant le reste de la souscription, ce qui aujourd’huy m’empechera de me trouver plus mal que jamais, et si je crois bien connoitre votre coeur, vous seriez faché d’avoir à vous reprocher d’y avoir eu part. C’est à ce coeur, Monsieur, que j’en appelle, vous priant de me croire avec reconnoissance et respect Monsieur de votre Excellence le très humble et très obeissant serviteur

Le Col. Chevr. de Champigny

Amsterdam chez Mr. Cuthbertson
Endorsed: De Champigny
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