J’ai un frere qui me mande de province qu’il desireroit passer en qualité de Chirurgien à la suite de vos armées en Amerique, si ses services pouvaient vous y être de quelque utilité. C’est un jeune homme de vingt six ans, qui n’a fait dès l’age de quinze ans d’autre étude que celle de son art, et qui s’y est acquis par une pratique constante et suivie une experience audessus de son âge. Placé au sortir de ses cours par Mr. le Comte actuellement Mr. le Duc du Chastelet dans le Regiment du Roi, dont il est Colonel, il a sçu pendant six années de tems qu’il y a demeuré, meriter par sa conduite et ses talens, l’estime et la confiance de tout ce corps, qu’il n’a quitté que pour occuper une place plus avantageuse, dans le Regiment suisse de Sonnenborg actuellement à Besançon et auquel il est attaché depuis près de deux ans.

Cette place quoique plus avantageuse que la première, est médiocre et bornée, et l’espoir de trouver dans la demande qu’il a l’honneur de vous faire un sort plus heureux, lui en ferait bien volontiers faire le sacrifice, malgré l’éloignement des lieux.

Si les dispositions que vous pouvez avoir faites pour ces sortes de places vous permettaient encore d’acquiescer à cette demande et que vous fussiez disposé à l’octroyer, j’ose vous prier d’ajouter à cette grace, celle de me faire écrire deux mots pour m’en prévenir; parcequ’assuré alors de ne pas faire une demarche inutile, je romprais pour un moment les entraves dans lesquelles je suis retenu par des occupations continuelles et forcées, et je me rendrais à votre hôtel pour avoir l’honneur d’en conferer avec vous. S’il était besoin de quelque recommandation pour appuyer cette demande, mon frere offre celle de ses supérieurs au Regiment du Roi, pour répondre de ses talens. Il se flatte aussi que Mr. le Duc Du Chastelet qui l’a honnoré d’une bienveillance particulière, ne lui refusera pas un témoignage avantageux. J’ai l’honneur d’être avec une parfaite consideration, Monsieur, Votre trés humble et trés obéissant serviteur