From Dominique Lefebvre Delagrange (unpublished)
A Brancourt Le 12 avril 1778
Monsieur,

Jai eu l’honneur de Vous écrire le 15 fevrier dernier en Vous marquant l’Etat deplorable ou je suis reduit en vous suppliant de m’accorder quelques secours pour Maider a donner du pain a mes Enfants qui feroient Compassion aux Coeurs les plus insensible manquant le plus souvent des Choses les plus necessaire a la vie, et etant presque nuds et sans linges, ayant eté obligé il y a six ans de vendre mes habits, mon linge, et la meilleure partie du peu de meubles que j’avois afin de ne pas laisser perir ma famille par la faim a cause de la Cherté du pain depuis douze ans, et mes peines et mes Chagrins augmentent tous les jours, voyant Mon Epouse malade depuis trois semaines sans quil me soit possible de luy accorder aucuns secours puisquil ne me reste de mes appointemens qu’environ douze sols par jour qui ne peuvent sufire que pour la Moitié du pain Necessaire, Enfin, Monsieur, Nous souffrons dans le silence ce que la misere a de plus affreux, je vous avoüe, Monsieur, que cela est bien triste pour Un Gentilhomme qui a perdu 6800 l.t. de Rentes par l’Effet Malheureux Des Billets de Banques. Daignes, Monsieur, nous accorder Un Regard De Compassion je Vous en supplie au nom de Dieu, et au nom de vos braves Americains qui par leurs intrepidités et leur Constance sont enfin parvenus a L’independance, et reconnus comme Telle par le plus Grand et le Meilleur des Rois; face le Ciel que ces Braves americains volent de Victoir et Victoire sur ces Anglais barbares, cruels, sauvages, Presomptueux, et Ennemis Du Genre-humain, et que L’Etre-supreme les anneantissent pour jamais Comme Membre in[digne] de toutes les sociétez Du Monde.

Je Vous Reytere, Monsieur, ma tres humble supplication de me de me [sic] faire la Grace De M’accorder quelques secours pour cette fois seulement par la Voye de Messieurs Cottin place De Vendome a Paris je ne suis, Monsieur, n’y fourbe n’y Avanturier, et si, Monsieur, Vous avez quelques doute que le Tableau que je Vous fait de ma situation deplorable ne soit pas sincere, je Vous supplie de vous en Informer a Mr. Brazier Prieur Curé de ce Village de Brancourt qui me connoit depuis s[eize] ans que je suis son Paroissien, et qui continueroit de me faire du Bien si sa Cure etoit plus avantageuse, outre cela il n’a aucuns Patrimoine attendu qu’il est Religieux.

Jai lhonneur d’etre en attendant celuy d’un mot de reponce, avec tout le Respect possible, Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur

Delagrange
Receveur des fermes a Brancourt, par St. Quentin.
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