From John Conrad Zeigler (unpublished)
Grave ce 6me Maÿ 1777.
Monsieur!

Depuis le moment que jai vu que la Guerre etoit positivement decidée et que les Anglois etoient determinés à employer la force pour soumettre les collonies et celles la serieusement occupées a deffendre leur liberté, je me suis doné toutes les peines pour decouvrir des personnes qu’on assuroit etre en Hollande chargees des interrets des Americains, et d’entrer en engagement avec des officiers qui veulent les joindre et leur faciliter les moyens, mais inutilement jai doné des comissions, inutilement jai cherché; il y à deux mois qu’aprenant que Mr. Bedaulx etoit a Paris je fus voir son oncle Monsr. Bedaulx general major dans notre service pour le prier de lui faire parvenir une lettre sous son couvert, que je lui comuniquois, et dans laquelle je priois son neveu que comme il avoit prit le parti d’aller en Amerique lui meme, de me doner des Eclaircissements par rapport aux moyens, des conditions et des Engagements a prendre pour cet effet, et de me mettre en relation avec vous Monsieur et Monsieur Dean, mais que cette lettre se soye perdue, ou quelle ne l’aye plus trouvee, je n’ÿ ai pas reçu de reponse.

L’occasion se presentant de pouvoir vous faire remettre une lettre en main propre, jai l’honneur de vous ecrire celle cy Monsieur pour vous demander si vous pouvez et suohaitez [sic] d’entrer dans des engagements. Par le recit suivant vous verrez ma Situation et les raisons qui me font agir, je suohaite que des informations soyent prises tant pour verifier ce que j’avance que pour avoir un carractere de moy, qu’il ne me convient pas de determiner.

Dès l’age de 14 ans je suis entré au service avec une bone perspective mais qui avec le tems s’est changée par la constitution particuliere pour l’avancement de nos Regiments Suisses ce qui m’a fait resoudre de saisir la premiere occasion pour changer d’etat, pour cet effet jai passé plusieurs annees en Angleterre, ou par des conoissances que j’ÿ fis avec des habitants de l’amerique, je pris la resolution d’ÿ passer moy même. Sous la protection avec les encouragements et les recomandations de Collonel Henry Laurens je ramassois ce que je pus de mon bien et m’embarquois au mois de 7bre 1772 pour Charlestown en Caroline, dans le dessein de m’ÿ etablir, j’eus pourtant une permission de m’absenter pour deux ans. Messieurs James Laurens frere de Collonel Laurens et S: Lewis Gervais firent honneur a la recomandation que je portois et me rendirent de grands services. Mon premier soin etoit de parcourir la province sous la direction et conseil de ces Messieurs tout l’hiver et l’été de 1773 je voyagois sur les derrieres de la province ou on m’avoit conseillé de m’établir tant pour l’aisance que parce qu’il y faisoit plus sain. Le Climat et les fatigues affecterent ma santé une fievre endemique me prit a une grande distance des secours neccessaires ce qui me mit fort bas et me fit languir tout l’été d’ensuite; etant en commerce de lettre avec notre Chef et le Collonel Comandant, je leur en fis part, ils demanderent un prolong et en me le marquant ils m’exhorterent de rejoindre le Regiment. Je me transportois a Charlestown ou Collonel Laurens etoit pour lors. Je lui demandois son conseil en lui exposant le fait ainsi qu’a son frere et Mr Gervais resolu de suivre leur avis ils ne voulurent me determiner a aucun party, l’avis que le changement me feroit le plus de bien me determina, et je pris avec leur consentement et assistance le parti et les arrangements neccessaires pour m’absenter pour une couple d’annees et m’embarquois a la fin de Decembre 1774.

Dans ce tems surtout venant des derrieres de la Province ou je n’avois rien entendu de la politique, je n’avois aucune idee que la guerre pourroit survenir, tout le monde esperoit et bien des gens ne doutoient pas que le Ministere ne se raviseroit et qu’on ne feroit un arrangement raisonable entre l’angleterre et ses Colonies, on parloit bien de mecontentement, mais l’exemple qu’on eut avec le Stamp Act fit esperer et croire que cela finirait a peu près de meme. Mes affaires particulieres s’arrangeoient fort bien avec mon retour, en ce que je pouvois vivre au Regmt avec l’adition d’une partie du revenu de ce que je laissois en Amerique, qui ne se trouvoit pas assez considerable pour faire tout de suite un etablissement independant et sans l’assistance d’autrui.

Le passage et mon sejour icy m’ont retablit Dieu mercy ma sante. Cinq mois après mon retour je reçus encore des lettre de Mr Gervais et je n’eus aucun sujet de penser que j’avois prit un mauvais parti, ne pouvant me persuader que la querrelle iroit a un tel point, come trop malheureusement l’experience nous le montre, et quoique jai la consolation de n’avoir rien a me reprocher, et qu’en parreille circonstance je croirois devoir encore agir de même, je ne puis m’empecher de me chagriner d’etre icÿ, et suohaite d’y retourner si cela peut se faire avec quelque certitude. Si javois etté sur les lieux dans le commencement des troubles, je n’ai aucun doute que je n’aurois étté placé tres avantageusement connu et apuÿé par des persones de poids. Aujourdhui ma situation est embarrassante, n’ayant pas reçu de lettre depuispres de deux ans, ignorant absolument si ce que j’ÿ ai laissé existe encore ou non, de façon que je ne puis abandoner ce que jai de certain icÿ pour courrir les risques d’un passage ou je puis etre prit et fait prisonier de guerre avec touts les desagrements d’un prisonier de guerre, sans espoir d’etre reclamé et rançoné, vis a vis de rien en Europe peut-etre plus rien en Amerique. James Laurens Esq. acttuellement a Bristol ou il est allé pour retablir sa santé m’ajant suivit de peu de moïs, peut être demandé sur tout ce que j’ai avancé au sujet de l’amerique, sur quoi j’ai crut devoir entrer en quelque detail.

Ce que j’ai a dire sur mon propre sujet ne peut se reduire qu’à peu de chose, l’allemand est ma langue maternelle, l’angloise m’est familiere, je la conois trop bien pour ignorer que je la parle et l’ecris mal, dans ma jeunesse je me suis apliqué a la Geometrie et le Fortification mais depuis des annees je n’en ai plus fait mon occupation m’etant attaché a l’histoire et la morale. Sil y à quelque chose de bon a dire sur ma conduite et mes principes cela viendra de meilleure grace d’un tiers, persone ne peut être mieux au fait que Monsieur Bouquet Lieut: Gener: de l’Infanterie de l’Etat, mon Chef, sous les ordres duquel j’ai servi 26 ans, depuis mon entrée au Regiment, pourvu qu’on s’en informe de façon qu’il puisse ignorer pourquoi on le demande, un menagement neccessaire dans les circonstances politiques presentes ou se trouve la Republique.

Les Conditions que je demande sont:

Que j’entre dans le Service du Congres come Lieutenant Collonel jouissant des benefices y attaché et des avancements qui peuvent survenir et que je tacherai de meriter. Si on veut me confier un Corps pour le discipliner ce sera avec plaisir que je m’en chargerai.

Que du moment que j’aurai quitté le service d’icÿ, je recoive la paÿe de Lieut. Collonel et que je sois transporté aux fraix du Congrès, ou qu’on m’en fournisse et indique les moyens.

Que si je serois prit au passage pour ma destination, ou que la paix fut faite en attendant, ou qu’après des annees de guerre on la feroit et une reduction dans les trouppes, ou que je serois rendu incapable de servir d’avantage soit par blessures ou autres suites de service, que dans ces differents cas on me continue ma paÿe et les benefices attaché a la place que j’occuperai, ou qu’on m’assure au moins une pension de la valeur de cent Livres Sterling par an, pendant le reste de mes jours, et que j’aurai la liberté de manger ou bon me semblera.

Je vous ai parlé Monsieur avec toute l’ouverture et confiance possible me flattant que vous vous mettrez a ma place pour juger genereusement de ma situation, je repète que je ne suohaite pas mieux sinon que vous preniez les informations neccessaires a mon sujet, ce qui ne sera pas une chose difficile meme si vous voudriez le faire par d’autres canaux que ceux que jai indiqué, je me flatte que considerant toutes les circonstances vous ne trouverez pas que mes demandes sont irraisonables. Si je ne suis que Lieutenant c’est un malheur, que personne ne peut mettre sur mon compte, jai la satisfaction d’etre persuadé que ceux qui me connoissent me jugent digne d’un meilleur sort, au moins jai taché de le devenir. Si j’avois servi dans tout autre Regimt: qu’un Regimt Suisse ou je n’aurois pas rencontré les obstacles d’une constitution singuliere et je puis dire mal entendue, je ne serois pas fort eloigné du grade que je demande. Avec plaisir je deffendrai la cause de l’amerique avec mon sang, du moment que je serai rassuré sur les craintes de manquer le neccessaire dans l’avenir, n’ayant choisit ce paÿs pour m’y etablir que parce que je croyois y trouver une liberté honête, telle que mes principes imbus dés ma jeunesse fortifies par l’age et l’horreur que jai contre le despotisme me la faisoient desirer.

En attendant l’honeur de votre reponse, je celui d’etre avec un profond respect Monsieur! Votre tres humble et tres obeissant Serviteur

Ziegler
Premier Lieutenant du Regiment de Bouquet
au service de LL. HH. PP. en garnison a Grave
Endorsed: Ziegler Grave ce 6 may 1777.
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