From François la Marège (unpublished)
Monsieur,

Le nomme françois La Marege natif de Limoge agé de dix huit ans ayant appris la profession d’horloger egalement celle d’orphevre a l’honneur de vous exposer Monsieur qu’ayant eté a portee de connoitre le capitaine aide Major de la plagne au service de la nouvelle Republique des Etats unis, son compatriote, lequel luy ayant connu un desir ardent et un zele decidé pour servir la Republique comme volontaire ce jeune homme auroit accepté ses offres et sachant un peut d’anglois se seroit empressé de se mettre en etat de servir utillement; pour cet effet il s’est equipé a ses depens, s’est fait faire deux uniformes semblables à ceux du corps ou compagnie de l’aide major de la plagne, s’est premuni de deux bons fusils avec leur bayonnette, enfin deux sabres, independament de ses autres habits linge et effets propre a son usage et procura au s[ieu]r de la plagne trois autres de ses camarades qui les admit au meme service en sorte que ce Major passa avec eux a bordeaux, et se trouvant retenu pour ses affaires dans cette ville, il conseilla a ses jeunes gens de passer toujours sur un petit batiment marchand nommé l’adelaide qui etoit prest a mêttre a la voile au port de Blaye ou il avoit traité de leur passage avec leurs effets et bagage en leur donnant rendez vous a Boston ou il ne devoit pas tarder de se rendre aussitost la premiere fregate americaine qui partiroit. Ce jeune homme sans experience et ne consultant que son zele, ne fit pas de reflexions sur les hazards auxquels il s’exposoit en partant sur un batiment foible d’equipage monté par 8 hommes et armé seulement de 4 perriers. Il remit seulement sa montre au s[ieu]r duval sous ingenieur du capitaine laplagne avec un etuy de Mathematique garni en argent pour que ce dernier luy rendit lors de leur reunion a Boston. Six jours apres estre sortis du port de Blaye, a la vüe des cotes d’Espagne ils furent chassés par un corsaire de Gersay qui les joignit bientost leur lacha plusieurs bordées et les contraignit d’amener. Le capitaine de la petite adelaide eut beau soutenir qu’il etoit chargé de sel pour st domingue, l’on fit une visite si exacte de la prise que par les uniformes et habits et les armes, le corsaire n’hesita pas de conduire la petite adelaide a gerzay et fit mettre les fers aux pieds et aux mains au supliant jusqu’a son arrivée dans ce port ou il fut conduit en prison avec ses camarades et etroitement gardé. Leurs valises et effets tout fut pillé en mer par l’equipage du corsaire ainsi que six louis et demy qu’il s’etoit reservé pour ses besoins, on luy laissa une seule chemise et comme ils l’avoient reduit a l’habit qu’il avoit sur le corps qui etoit de bon drap et presque neuf les matelots l’en depouillerent encore et luy laisserent a la place une mechante veste apres luy avoir oté encore son dernier chapeau s’etant appropries deux autres chapeaux d’ordonnance qui etoient dans sa valise, il fut d’ailleurs avec ses camarades extremement maltraités par les matelots insultes jusqu’a gersay. Enfin la guerre n’etant pas declarée entre la france et l’angleterre, le même corsaire ayant remis en mer eut ordre de se charger du supliant et de ses camarades pour leur procurer leur liberté dans le premier vaisseau francois avec lequel il parlementeroit dans sa croisiere; c’est dans cet etat qu’il a passé sur le vaisseau marchand le superbe qui a debarqué au port de St. Malo le trois de ce mois, ou il a recû 4 16 pour sa conduite a paris ainsi qu’il est constaté par son passeport qu’il joint icy.

Le capitaine de la petite adelaide est toujours detenû a gersay jusqu’a ce que le sort de son batiment soit decidé.

C’est dans cet etat que le supliant a recours a vos bontées, Monsieur, il a dans son malheur l’avantage d’etre toujours au service de votre Republique, elle luy doit faveur justice et protection, il n’est point decouragé par cet accident son zele s’est accrû au contraire par le desir de se venger glorieusement, il intercede votre protection pour rejoindre a Boston le corps du major de la plagne et continuer ses services. L’accident qu’il a essuyé, ses pertes et ses effets qu’il a confiés au S[ieu]r Duval sous-ingenieur du capitaine Laplagne qu’il ne peut plus ravoir qu’a Boston, tous ces motifs sont des titres de preference pour luy meriter aupres de vous la faveur de joindre son drapeau, et les secours necessaires pour si rendre, un uniforme et ses armes. Votre Republique est trop juste pour ne pas approuver cette decizion de votre justice. Il se trouve démuni a paris de tous secours et dans le plus triste etat sans connoiss[ances]. Vous ne pouvez pas, Monsieur, placer mieux votre commisération et votre humanité. La gloire de la Republique est interessée a ne pas soufrir que les sujets qui se sont consacrés a sa defense deviennent la victime de leur zele, par le defaut de prevoyance du major de la plagne son commettant, qui ne devoit pas faire hazarder au supliant un voyage que sur un vaisseau americain dont la defense auroit du moins eté glorieuse et certaine; d’ailleurs le supliant a un oncle dans les Etats de votre Republique qui est citoyen et apres la guerre avec lequel il se fixera.

Endorsed: Memoire concerning Mareze
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