From — de Ricard (unpublished)
à Toulon en provence ce 18. janvier 1778
Monsieur,

Aprés une infinité de Recherches inutiles et infructueuses, jusqua aujourdhuy, j’ay appris, avec un plaisir qui egale mon ardeur et mon zele pour le service, que c’etoit à vous, Monsieur, qu’il falloit, directement, s’adresser pour obtenir de l’employ dans le service des colonies angloises (autrement dit et connu plus particulierement icy) chez les insurgens. Je prends en consequence, la liberté de vous ecrire, pour savoir si je serois assez heureux pour obtenir ce que je desire depuis bien du tems.

En outre, de ma qualité de Gentilhomme, dont j’exhiberois les titres si le besoin le requert, j’offre aussy, Monsieur, les services d’un ancien officier de port et d’ancien officier d’administration de la Marine,deux corps qui ont eté reprimés successivement et dans lesquels j’ay subi et partagé le sort general, dans le premier en qualité d’Eleve du Port et dans le second en celle d’Eleve Commissaire de la Marine. J’ay fait aussy campagne, en cette derniere qualité, sur les vaisseaux du Roy. Je produirois aussy, Monsieur, s’il est necessaire mon ordre du Roy d’officier retiré. J’ignore quelles sont les places que l’on donne dans ces colonies, mais vous pourrés plus aisement juger dans quelle partie mes services pourroient leur etre plus agreables, d’apres l’Exposition de ceux que j’ay passé en france.

Je suis entré de fort bonne heure au service ce qui fait qu’a l’age de vingt un an ou je suis, apres avoir servi dans deux corps différents quelques bonnes années, je me trouve sur le pavé c’est à dire sans Etat, dans le moment present.

J’espere, pourtant, avoir acquis quelques connoissances, tant dans la Partie des Ports et arsenaux, que sur mer. Je serois on ne peut plus aise de les faire valoir dans un pays ou je me flatte que le merite et les sentiments joints a la naissance, sont recompensés. Je desire que toutes ces raisons vaillent aupres de vous, Monsieur, et qu’elles puissent me mettre à meme de prouver ma bonne volonté.

J’ay un frere ainé, qui sans avoir servi n’a pas moins les qualités necessaures pour former un bon officier. Il a un gout tres decidé pour l’Infanterie ou pour la cavalerie, la naissance, correspondant aux sentiments, doit certainement etre une forte recommendation pour luy. Il seroit tres fort aise de porter ses services dans le meme pays. Il est dans sa vingtroisieme année. Nous attendrons, Monsieur, tous deux avec la plus vive impatience votre reponse, sur notre sort particulier.

Vous auries agreable de ma marquer la conduite que je devrois tenir pour le voyage et tous les circonstances necessaires pour une instruction sure. Ne doutez nullement, Monsieur, de tout mon zele, si j’ay le bonheur de reussir, de maniere pourtant que mes services antérieurs puissent m’etre de quelque avantage.

Vous sentes vous meme, Monsieur, combien il seroit desagreable pour un homme bien né, d’entreprendre un pareil voyage, quoiqu’il ne coute rien, sans une certitude de cause, crainte d’etre sur le pavé en arrivant. J’ose en consequence tout attendre de vos Bontés et vous prie de croire que je n’oublieray rien pour m’en rendre toujours plus digne.

C’est avec ces sentiments que j’ay l’honneur d’etre, Monsieur, Votre tres humble et tres obeissant serviteur

De Ricard
ancien officier d’administration de
la Marine rue roche pres Ste ursule.
Endorsed: Ruard Of.
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