Blanchette Caillot to William Temple Franklin (unpublished)
St…ce 23 avril 1787 No 17

Votre commission est faite mon bon ami, si vous n’avez pas encore reçu le portrait de notre amie vous devez le recevoir par la même occasion que cette lettre. Md le Br. a été sensible à votre souvenir. Elle est toujours heureuse, puisqu’elle est toujours aimée. Le Roi n’a pas payé les dettes du Comte, la banqueroute de Mor de St jame lui a causé baucoup de chagrins c’etoit cet imprudent financier qui s’étoit chargé de ses affaires, le Comte a ses biens en àmérique, l’argent n’arrive pas souvent à l’instant qu’il en a besoin, alors il faut avoir recours aux financiers et presque toujours avoir des dettes, il en a donc, et je puis vous assurer que le roi n’en a pas payée. Il a encore d’autres chagrins relativement à tout ce qui se passe en ce moment à notre cour, mon chat. Il faut se faire dans notre pays, attendre en silence et avec soumission ce qu’il plaira au souverain d’ordonner.

Le pauvre Mor B…est mort à Nice c’est une perte pour vous mon ami il vous aimoit tendrement et comme son fils. Pour moi j’en suis veritablement afligée, je crois qu’il va y avoir bien des changement dans cette maison le maître d’hôtel est déja renvoyé, le déspote personnage va bien s’en donner! Il n’en sera pas plus heureux, il a la manie de vouloir être grand seigneur, il ne sera jamais qu’un bougeois. Oh mon dieu oui! un bourgois dans toute l’etendue du térme, il est comme les autres persuadé de cette verité mais il éspere à force d’orgueil et d’insolence faire perdre cette méchante idée au vulgaire stupide, le pauvre homme! Comme il se trompe! Ces moyens produisent précisement le contraire. Le beau-frere est un bon petit enfant qui n’a pas de volonté (vous jugez si c’est heureux pour l’autre) il a la place de son beau-pere ainsi Mor Br…en mourant a eu la consolation d’avoir établi ses enfants de les laisser sans embarras et riches, du moins je le crois, car je n’ai pas encore de détailles. Je n’ai point vue Madame de Mal…parceque je n’ai point été à paris. Surment elle m’auroit tout conté. Peut etre elle viendra me voir au Bé…elle passe par St G…pour aller à la terre de son beau frere, je crois qu’elle ira cet Eté, quand les affaires du pere seront arrangées. On prétend que la maîson de passy va être vendue. Notre pauvre voisin va être tout seul. Je voudrois bien lui tenir compagnie. Nous parlerions tout et plus du pere absent qu’il aime aussi de tout son coeur, ce bon voisin est toujours obligeant toujours éxate pour mes dépeches et moi je l’aime toujours et je suis toujours reconnoissante de ce qu’il fait pour nous. Je compte partire dans trois jours pour mon hermitage ou j’aurai souvent du monde. J’ai passé mon hiver aussi agréablement que cela m’est possible, notre société est gaie, et vraiment charmante elle est composé de la brillante jeunesse de la ville. Oh! mon ami le bon pays que celui de la france, notre Roi a raison de se faire payer cher car en verité plus je réfléchi et plus je vois que son royaume, s’il n’est pas le plus raisonnable au moins est le plus gai et le plus aimables de la terre. Une mediocre fortune point d’ [illegible] et garçon voila le parfait bonheur en france mais c’est que ce bonheur la tout un caractere de la nation, c’est tout le contraire chez vous. Vous êtes garçon vous avez de la fortune, je parie que vous vous ennuyez, cependant vous vous êtes dans le pays de la justice de la raison &c. oui mais de la froideur, ou la gaité passe pour folie ou il faut être marié pour n’etre pas isolé, voila ce que j’ai cru voir dans vos lettres dites moi mon ami si je me suis trompé? Si je pense juste vous vous marirez ou vous reviendrez, l’un ou l’autre il est impossible que vous restiez garçon dans votre patrie. En verité je voudrois bien lire dans l’avenir, ou au moins savoir vos veritables projets, peut etre seriez vous embarrassé de me les dire vous pouriez bien n’en pas avoir d’autres que céux d’agire selon les evennemens, alors il faut attendre, j’attendrai donc! Tout ce que je désire c’est que vous soyez parfaitement heureux, mon bon et aimable f…qui sait mieux que moi combien vous meritez de l’etre moi je le suis autant que cela est possible deux où trois maisons ou je suis bien sont les plus agréables de la ville. La belle jeunesse se rassemble soit dans l’une soit dans l’autre et puis les cartes la musique et surtout les petits jeux sont notre occupation enfin on ouvre la bouche pour autre chôse que pour y mettre du pain et du beurre. On à la bonté de me bien aimer de me bien caresser dans cette société. Dans ce moment on sait que je suis venue, il est incroyable les attentions et les soins que l’on prend pour ne pas me laisser seule. Il me faut pourtant bien un peu de solitude, ne faut’il pas causer avec mon ami? Oh! il y a toujours des instans pour lui! Et en verité il vaut bien le someil, n’est il pas aussi doux? Surtout quand on fait sa volonté vous voyez mon ami que je ne puis pas dire que je suis malheureuse, aussi je ne le dis pas. Hélas! je ne le dois pas dire, mon mari n’a jamais été plus comploisant qu’il ne l’est a présent, et jamais il n’a eu plus d’attention pour moi, je dois être la plus heureuse des femmes.

Il faut que je me dépêche de vous dire (car voila le papier qui finit) que nous avons acheté une maison dans cette ville, pour l’habiter l’hiver. Elle est de quinze mille francs et nous reviendra à dix huit en comptant tout. J’espere que nous voila fixés et que nous resterons la, je suis lasse à mourire des déménagemens la maîson est gentille et propre dans le genre de celle de pas…Oh! mon bon ami! ici il faut un gros soupire adieu mon tendre mon meilleur ami je vous écrirai une petite lettre pour le 25 juin comme je ne serai pas venue je n’auroi pas le tems de vous en écrire une grande, ce qui me console c’est qu’a son ami on peut ne lui écrire que trois mots il est content, hors ces trois mots devinez les—

Mor Dai…est toujours bien malade je crains qu’il ne suive de pres le pauvre Mor Br…Ce pauvre passy! comme il finit. Helas! le bonheur n’y est plus.

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