From — Tessier de la Tour et — Guiliet (unpublished)
  Nouvelles Observations Pour Les S. Teissier de la Tour et Guiliet, sur l’arrêt dont ils demandent la Cassation.

Les S. Teissier de la Tour et Guiliet ont déja fait voir que l’affaire sur laquelle est intervenu l’arrêt rendu contr’eux, est d’une nature vraiment ministerielle puisqu’elle a eu pour cause un billet de 64,000 l.t. dechiré le 4 8bre 1780 dans le cabinet du S. Teissier de la Tour par le Chevalier Zeno lors Ambassadeur de Venise en France qui étoit venu pour reconnoitre ce billet quil avoit fait et qui a passé pardevant Notaire une déclaration de tous ces faits dont il étoit toujours convenu verbalement.

Les S. Teissier de la Tour et Guiliet ont encore fait voir quil faut casser l’arrêt qui les condamne solidairement a payer a la Dlle. Duvernet, ancienne Maitresse du Chevalier Zeno, le montant de ce billet, sauf leur recours contre qui ils aviseront.

1º parceque cet arrêt les rend victimes du respect que le S. Teissier de la Tour a été forcé d’avoir pour la personne sacrée d’un Ambassadeur.

2º parceque la déclaration passée par le Chevalier Zeno devant Notaire a remis précisement les choses au même point ou elles seroient si la dlle. Duvernet avoit encore le billet de l’ambassadeur, puisquil y convient d’avoir fait le billet et de l’avoir dechiré puisque s’il y allégue que la dlle. Duvernet a gardé ce billet par surprise, après avoir feint de le bruler; cette allégation ne change point l’etat de la cause, parceque cette allégation faitte dans sa déclaration n’est ni plus ni moins forte que celle quil feroit contre la demande en payement de ce billet, demande qu’on ne peut former judiciairement contre lui que dans les Tribunaux de Venise.

3º parceque cet arrêt fait tomber sur les Sieurs Teissier de la Tour et Guiliet tous les inconveniens que la dlle. Duvernet doit seule supporter; car enfin la ressource qu’on leur laisse est d’aller a Venise plaider contre le Chevalier Zeno, de reclamer contre lui les 64,000 l.t. qu’on les a condamnés de payer a sa maitresse, d’y lutter contre le credit de cet homme puissant et contre les allégations de surprise quil ne manquera pas de renouveller.

Et s’ils ne peuvent fournir aux frais d’une poursuitte qui les expose a perdre leur fortune et a quitter leur patrie, si le Chevalier Zeno par son crédit étouffe leur réclamation, et s’il fait juger son billet nul par les allégations de surprise qui sont contenues dans sa déclaration et quil opposera comme faittes au billet même; si enfin après avoir été condamné il se trouve insolvable, qu’y doit supporter tous ces inconveniens si ce n’est la dlle. Duvernet?

Aussi le recours accordé par l’arrêt aux Sieurs Teissier de la Tour et Guiliet contre qui il appartiendra tombe évidemment sur la dlle. duvernet. Cependant quand les S. Teissier de la Tour et Guiliet auront payé 64,000 l.t. a cette fille, qui pourra leur en repondre? On sait trop que les femmes de cette espéce depensent l’argent avec la même facilité qu’elles le gagnent, la Dlle. Duvernet, a peine majeure, a déja fait une faillite!

Ces moyens et plusieurs autres proposés par les S. Teissier de la Tour et Guiliet doivent donc faire casser l’arrêt rendu contr’eux.

Mais un point infiniment important et qu’on se propose de prouver en ce moment, est que l’honneur du corps diplomatique est interressé a faire casser l’arrêt dont il s’agit.

Un membre de ce corps si respectable s’est oublié au point de déchirer un billet de 64,000 l.t. qu’il avoit fait et souscrit; c’est un fait, qui seroit incroyable, s’il n’etoit constaté par les preuves les plus authentiques. Mais enfin, c’est un fait, il n’est pas possible d’en douter.

Or si les S. Teissier de la Tour et Guiliet restoient victimes de ce fait si étonnant la voye seroit ouverte a tous les membres de ce corps qui pourroient se respecter assés peu pour vouloir enrichir des femmes debauchées par la ruine d’un ou de plusieurs citoyens honnêtes.

Sans doute il n’est aucun des membres actuels qui soit assés malheureux pour penser de la sorte; mais puisqu’on a vu des Ministres de la divinité avoir toutes les foiblesses et tous les vices de l’humanité il seroit moins étonnant de voir le representant d’une puissance humaine tomber dans une faute qu’un autre auroit commise avant lui.

Rien n’est si dangereux comme rien n’est si utile que l’exemple.

Si donc on laissoit subsister l’arrêt rendu contre les S. Teissier de la Tour et Guiliet desormais un membre du corps pourroit dire a une femme debauchée,

“Je ne veux ou ne peux pas te donner l’argent que tu exiges de moi; mais voila mon billet, confies le sous recepissé a un homme riche, en le priant de le faire négocier par un Banquier, ce dernier ne manquera pas de venir me le présenter, je le dechireray, je braveray toutes les plaintes en ma qualité d’Ambassadeur et tu te feras payer par les deux Citoyens honnêtes que tu ruineras. S’ils osent resister tu citeras l’arrêt rendu contre les Sieurs Teissier de la Tour et Guiliet et ils n’auront rien a repondre.”

Un tel dessein seroit affreux, il faut en convenir, mais enfin il ne seroit que la conséquence de l’arrêt rendu contre les S. Teissier de la Tour et Guiliet.

C’en est assés surement pour prouver que le corps diplomatique a le plus grand interêt a la cassation de l’arrêt rendu contr’eux.

Il est a la verité un autre moyen encore plus convenable aux principes dont est animé ce corps qui est representant des puissances de l’univers c’est de faire contraindre celui qui a été un de leurs membres a payer le montant du billet qu’il a déchiré même sans éxaminer s’il avoit des allégations fondées pour se dispenser de le payer.

Il doit suffire que la voye quil a employée dans cette occasion soit indigne du caractère sacré dont il étoit revetû, pour l’obliger de reparer sa faute de la maniere la plus authentique.

Mais en attendant quil la repare, deux citoyens honnêtes ne doivent pas être ruinés sans ressource. Il faut donc que l’arrêt soit cassé sur le champ, ou que si la cassation en est differée, l’exécution en soit aussi suspendue.

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