Louis-Guillaume Le Veillard fils to William Temple Franklin (unpublished)
Bordeaux Le 22 Mars 1783

J’ai reçu avec bien du plaisir, mon ami, votre Lettre du 11 c[ouran]t qui ne m’est parvenue qu’avant hier, j’imagine que les almanacs de Bordeaux et ceux de Paris ne sont pas entierement daccord pour les quantiemes, car j’ai été bien Longtems a la recevoir. Vous ne paraissez pas etre tout avfait du même avis que moi sur un établissement en Amerique. J’ai bien pézé vos raisons, le pour, le contre, et tout bien réfléchi je persiste dans la résolution de passer chez vous. Je vais vous déduire toutes mes raisons, je vous prierai de me redresser si vous trouvez que je m’égare, vous aurez tout le tems nécéssaire pour le bien faire a votre aise, car la chose est bien reculée si elle n’est pas rompue, La personne avec Laquelle on veut m’associer devant passer un an en Europe pour terminer beaucoup d’affaires qu’elle y a. Je suis bien de votre avis sur le commerce de votre pays avec le notre, certainement il ne sera pas tres considerable, il roulera sur quelques productions de la France telles que les eaux de vie, huile, vin, soyerie, et tres peu d’objets de manufactures, le reste retournera entierement à l’Angleterre, cette seule consideration me feroit entierement abandonner mon projet si celui avec lequel on veut m’établir etoit un françois. Mais c’est un Americain de Philadelphie fort riche, dont la probité, les talents pour le commerce, et la fortune sont generalement reconnus. Ayant demeuré Longtems a St. Eustache ou il faisoit le commerce le plus étendu, il faisoit surtout dans cette Ile presque toutes les affaires de L’Angleterre et de la nouvelle angleterre, aussi se trouve t’il lié avec les p[remiè]res maisons d’holande, des îles Britannique, et de chez vous et de France, ces liaisons qu’il ne cesse de cultiver, Lui assurent la majeure partie des affaires a son établissement. D’un autre côté les personnes qui m’établissent ayant le plus grand interet a me faire beaucoup travailler ne negligeront pas une occasion de me procurer la préférence des affaires de leur place, et comme elles se trouvent     l’une au havre, L’autre a Bordeaux, L’autre a Marseille, elles sont justement dans les 3 ports qui doivent faire le plus de commerce avec vous. Ces raisons me paroissent fortes, si vous ajoutez a cela les entraves dont le commerce est accablé en france, la liberte dont il jouit chez vous, ici c’est dans l’opinion publique un des d[erni]ers etats, chez vous il jouit de la p[remiè]re considération, et une raison mille fois plus forte que celle la, ici je rampe sous le joug de l’esclavage, quelque doux qu’on le rende une ame fiere le trouve toujours dure, chez vous je serai libre et chef a mon tour, je planerai et agirai pour moi seul, et n’aurai pas le désagrement continuel de me voir forcé dans mes idees par celles d’autrui, désagrément d’autant plus grand pour moi que je vois a regret que La plupart de celles qui s’opposent aux miennes ont eu jusqu’a présent le plus mauvais succes. Vous n’avez jamais été commandé, si vous l’étiez seulement 15 jours vous sentiriez combien cela est lourd. Quand a l’histoire de la curiosité, ce motif est si foible en comparaison du chagrin qu’il peut donner a ma mere que jamais il ne me fera faire un pas, car je vous l’avouerai jamais je ne me deciderais pour cette seule raison a quiter La France, si j’y voyois la moindre ressource, mais malheureusement la position actuelle du commerce rejette mes esperances en Europe si loin qu’en y restant je pourois languir peut etre encore 20 ans et même plus avant que de voir devant moi rien de fixe et de stable, cette perspective si elle etoit unique me désespereroit, car je suis bien impatient du joug, mais heureusement le nouveau monde m’en offre de si agréables, que je me console un peu. [The last page seems to be missing]

Addressed: A Monsieur / Monsieur Franklin Junior / chez Monsieur franklin ministre plenipotentiaire des etats unis / de l’amerique / à Passy / Pres Paris
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