From Denis Pierres Philippe (unpublished)
Paris le 10 7bre 1785.
Monsieur et respectable Ami,

J’étois bien malade au moment de votre départ, c’est ce qui est cause que je n’ai pas eu le vrai plaisir de Vous embrasser quand Vous nous avez quitté. J’étois aussi incommodé quand j’ai reçu le Livre d’Epreuves de Caslon, que Monsieur votre fils a eu la bonté de m’envoyer. M. Veillard a eu l’honnêteté de me l’apporter lui-même.

Je ne Vous dirai pas, mon respectable Ami, combien je Vous regrette: cela est superflu, mais cela n’en est pas moins vrai. Tout ce que je desire, c’est que, quoique un intervalle immense nous sépare, nos coeurs soient toujours unis, et que Vous vous souveniez quelquefois d’un de vos Disciples, qui se fait et se fera toujours honneur des leçons de Typographie que Vous avez bien voulu lui donner. Il ne m’en restoit qu’une à recevoir de Vous; et Vous me l’aviez promise avant de sortir de France. C’est la maniere d’imprimer sans Caracteres et sans Presse. Vous me l’aviez promise formellement, et je Vous somme de votre parole. Soyez sûr du secret, si Vous l’exigez, et Vous pouvez compter sur moi, comme je compte sur Vous.

Je Vous aurai aussi bien de l’obligation de me communiquer les procédés nouveaux ou réformés que Vous auriez découverts en Typographie, ainsi que les Ouvrages qui traitent de cet Art. Si de mon côté j’ai le bonheur de trouver quelque chose, j’en ferai part avec grand plaisir à Monsieur Benjamin, avec lequel je serai charmé d’être en correspondance, et auquel j’offre mes services de tout mon coeur.

Je prie Monsieur votre fils d’agréer mes remerciments pour le Livre d’Epreuves de Caslon qu’il a bien voulu m’adresser. Je desire que quelque bon vent le ramene en france, et j’espere qu’il ne m’oubliera pas. Pour moi, je lui promets de ne pas l’oublier. Comment le pourrois-je, ne porte-til pas votre nom? et ce nom me sera toujours cher.

Je ne veux pas, mon respectable Ami, abuser par une trop longue Lettre, de votre temps qui est précieux; mais je suis bien aise de me rappeller à votre souvenir. Je vous demande la continuation de votre amitié. Soyez bien convaincu de l’attachement autant respectueux qu’inviolable avec lequel je serai toute ma vie, Monsieur et respectable Ami, Votre très-humble et très-obéissant serviteur

Pierres
Premier Imprimeur du Roi
p.s. Le Roi vient de créer ma Charge d’Imprimeur Ordinaire de S.M. en celle de son Premier Imprimeur. C’est une création qui m’est d’autant plus agréable, que ce titre n’existoit pas avant moi. Ma femme, qui n’oublie pas les politesses qu’elle a recues de Vous, me charge de Vous assurer de son respect. Elle vous demande une part dans votre souvenir et dans votre amitié, qui lui sera toujours précieuse.
M. Franklin
Addressed: A Monsieur / Monsieur Le Docteur Franklin
Endorsed: Mr. Pierres
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