The Baron de Thulemeier to the American Commissioners (unpublished)
à la Haye le 24. Janvier 1785.
Messieurs,

Le Roi mon Maître ayant trouvé bon de m’autoriser à faire passer en Vos mains, Messieurs, quelques Observations sur le Contre-Projet du Traité de Commerce à conclure pour l’avantage réciproque de Ses Sujets, et celui des Citoyens de l’Amérique, tel que Vous m’avez fait l’honneur de me l’adresser en date du 10. de Novembre dernier, et entré à la Haye par un Courier Hollandois le 26. du même mois, je ne diffère point de m’acquitter des Ordres de Sa Majesté. Un exprès chargé de Dépêches pour Messieurs les Ambassadeurs de Hollande à Paris me fournit aujourd’hui une occasion sûre et prompte. La langue Angloise n’étant pas familière à la Chancelerie Prussienne, aussi peu qu’au Roi et à Son Ministère, j’ai dû m’occuper d’une traduction françoise, et pour constater son exactitude, je l’ai fait placer à côté des Observations ci-jointes. J’ose me flatter que ces dernières Vous paroîtront, Messieurs, dictées par cet esprit de justice, d’équité et d’humanité qui caractérise toutes les démarches du Monarque que j’ai l’honneur de servir. Ce sera avec le zèle le plus vif que je m’employerai à consolider une négociation dont l’issue ne peut qu’être infiniment avantageuse aux deux nations, et je ne doute aucunement que le contenu de la première lettre dont Vous m’honorerez ne me facilite les moyens de mettre de concert avec Vous, Messieurs, la dernière main à ce Traité.

J’ai l’honneur d’être avec la considération la plus distinguée, Messieurs, Votre très humble et très obéissant Serviteur

de Thulemeier

Messieurs Adams, Francklin et Jefferson, Ministres Plénipotentiaires des Etats-\Unis de l’Amérique, à Paris.
Observations sur le Projet du Traité, tracé par les Plénipotentiaires Américains, et adressé à l’Envoyé Extraordinaire du Roi à la Haye. Articles II. & III.
En adoptant en entier ces deux articles, il est essentiel d’ajouter à la fin de l’un et de l’autre: “Se soumettant néanmoins dans les lieux où ils voudront faire le commerce, aux loix et usages y établis, et auxquels sont soumis les Citoyens des Etats Unis (les Sujets de S. M. le Roi de Prusse), et les nations étrangères les plus favorisées.” Il est d’autant plus indispensable d’insister sur cette clause, que les Etats de S. M. Prusienne sont composés de Provinces dont la plupart ont des loix propres et des usages particuliers. On ne sauroit abolir des loix de police communes à toutes les Nations de l’Europe, ni ôter sans injustice des anciens droits des Sociétés, Communautés ou Corps. La Ville de Königsberg a un droit d’Etape, suivant lequel un Marchand étranger ne peut vendre directement à un autre Etranger sur la place; nous avons dans différens ports, des Sociétés qui entretiennent des allèges pour decharger à la rade une partie des marchandises et les conduire dans les ports, où les gros vaisseaux ne peuvent entrer tout chargés; nous avons en quelques endroits un corps de porte-faix, lesquels à des prix fixes, aident à décharger les vaisseaux, etc. Tout ceci ne doit ni ne peut effroyer l’autre Partie-Contractante. La plûpart de ces régimens sont établis pour l’avantage et la commodité même des Etrangers, lesquels à l’arrivée dans nos ports ne sauroient passer de l’assistance des pilotes et autres personnes habiles, et sans nos réglemens de police se trouveroient exposés à leur avidité et chicane. Toutes les Nations de l’Europe ont de pareils usages, et aucune ne se plaint des nôtres.
Article IV.
Cet article exige des changemens et éclaircissemens très considérables: 1º./ Il faut biffer nécessairement la clause, à bord de ses propres bâtimens, qui est dans l’esprit de l’Acte de Navigation de l’Angleterre, mais point du tout dans le nôtre. Le but principal de ce Traité est un commerce réciproque entre les deux nations, et un débit sûr et facile de leurs marchandises. L’intention du Roi est moins de donner une plus grande étendue à la navigation de ses sujets dans les parages éloignés, que d’animer l’industrie nationale, et de faciliter l’exportation des productions des fabriques Prussiennes; de sorte que la clause de n’accorder les avantages stipulés même aux marchandises qu’autant qu’elles seront importées par nos vaisseaux choque directement nos principes, et rendroit presque nul pour nous les avantages que ce Traité doit procurer réciproquement. 2º./ La liberté de vendre et d’acheter, stipulée par cet article, est si générale, qu’elle ne laisse pas même l’idée de quelque denrée ou marchandise, dont l’importation ou l’exportation pourroit être défendue, d’autant plus que l’art. IV. de notre Projet, tracé au mois de Mars de cette année, est entièrement omis dans le Contre-Projet. Le Roi ne peut donc se dispenser d’insister que l’Art. IV. soit minuté de la manière suivante: “En particulier chacune des deux Nations aura le droit d’importer ses propres productions, manufactures et marchandises dans toutes les parties des Domaines de l’autre, de les y vendre librement, et d’acheter et charger en échange les productions, manufactures et marchandises de l’autre Nation. Toutes ces productions, manufactures et marchandises, soit qu’elles soyent importées ou exportées par les propres vaisseaux de l’une des deux Nations, ou sur les bâtimens de toute autre Nation quelconque, ne payeront à l’entrée et à la sortie d’autres ni de plus forts impôts que payent les produits, manufactures et marchandises de la Nation la plus favorisée. Cependant le Roi de Prusse et les Etats Unis de l’Amérique se reservent la liberté de prohiber dans leurs pays respectifs l’importation ou l’exportation de toute marchandise quelconque, dès que la raison d’Etat l’exige. En ce cas les Sujets et Citoyens d’une des Parties Contractantes du présent Traité ne pourront importer ni exporter les marchandises prohibées par l’autre. Mais si l’une des Parties Contractantes permet à quelqu’autre Nation d’importer ou d’exporter ces mêmes marchandises, les Sujets de l’autre Partie Contractante jouiront tout aussitôt d’une liberté pareille.” L’Article XI. de notre Projet, portant que tous les avantages accordés dans la suite en fait de commerce et de navigation à d’autres nations, deviendront aussitôt communs aux Parties Contractantes, trouveroit encore ici sa place convenable, mais comme le Contre-Projet en fait un Article séparé, XXVI, il est assez indifférent que cet article soit placé ici, ou plus bas.
Art. V.
Le raisonnement qui a motivé la clause à ajouter aux Articles II. et III. rend entièrement superflu l’article V du Projet, dont cependant on peut sans difficulté conserver le dernier passage, portant que “les marchands etc. des deux nations ne seront pas forcés de décharger aucune sorte de marchandises dans d’autres vaisseaux, ni de les recevoir à bord de leurs propres navires ni d’attendre leur changemens plus longtemps qu’il ne leur plaira.”
Article VIII.
Cet Article pourroit être adopté en entier sans l’expression “que les vaisseaux qui quitteront le port sans avoir dechargé, ne payeront aucun impôt etc..” Cela ne peut souffrir aucune difficulté dès qu’il est question des marchandises, ou dès que le vaisseau reste à la rade. Mais dès que le vaisseau est entré dans le port, il paroît qu’il doit être assujetti aux droits établis pour l’entretien même du port et de différens arrangemens nécessaires pour rendre l’entrée et la sortie des vaisseaux d’autant plus sûre. (Par exemple, droits de port, de pilote-côtier, et de fanal.) Il conviendra donc de minuter la fin de cet Article ainsi qu’il suit: “et sans être obligés de rendre compte de leur cargaison, ou de payer aucuns impôts, charges et droits quelconques, excepté les droits établis sur les vaisseaux une fois entrés dans le port, et destinés à l’entretien du port même, ou d’autres établissemens qui ont pour but la sûreté et la commodité des Navigateurs, lesquels droits cependant ne se payeront que sur le même pied qu’ils sont acquittés par les sujets et citoyens même de l’Etat où ils sont établis.
Article IX.
Il sera très analogue aux principes humains qui font la base de plusieurs Articles de ce Projet, d’ajouter à la fin de celui-ci: “l’ancien et barbare droit de naufrage sera entièrement aboli à l’égard des Sujets des deux Parties Contractantes.”
Article X.
[written above in another hand:] To be consider’d
Cet Article revient à peu près à l’Article VIII. de notre Projet. Mais comme dans celui-ci on exempte réciproquement les droits de détraction, et qu’on reserve la vigueur aux ordonnances passées ou futures du Roi contre les émigrations, il faudra retablir en entier notre Article VIII. et le mettre à la place de l’Article X. du Contre-Projet.
Article XII.
[written above:] To be consider’d
Cet Article ne sauroit être adopté en entier; dernier point surtout, portant: “que les vaisseaux ennemis rendent les marchandises neutres confiscables sans distinction. Les principes que la cour de Berlin a adoptés dans plusieurs écrits publics, et en particulier dans la Déclaration Circulaire du 30 Avril 1781. se trouveroient en contradiction directe avec les stipulations indiquées. Messieurs les Plénipotentiaires Américains, animés de cet esprit philosophique d’humanité et d’équité, qui a dicté plusieurs articles du Contre-Projet, se départiront vraisemblablement volontiers d’une pareille clause, et consentiront à y substituer la suivante: “que les effets et marchandises appartenant aux Sujets de la Partie Contractante neutre, excepté les munitions de guerre, qui trouveroient à bord d’un vaisseau ennemi, seront rendus aux Propriétaires, ou du moins payés suivant des prix justes et raisonnables.” En tout cas on pourroit omettre tout ceci, et insérer simplement le dernier passage à commencer des mots: D’un autre côté jusqu’à la fin, et laisser cette question indécise, ainsi que cela s’est pratiqué dans la Convention pour la Neutralité Armée, passée par le Roi et par d’autres Puissances.
Article XIII.
Il n’y a pas de difficulté d’adopter en général cet Article. Cependant comme l’expression de compensation raisonnable pour les pertes qui auront été occasionnées par une saisie, est un peu indéterminée, il seroit à souhaiter qu’on pût s’expliquer plus précisément sur cette compensation. Et comme il y a des cas où un navire neutre, dont toute la cargaison seroit composée de marchandises non suspectes, auroit à son bord une pacotille de munitions de guerre destinées pour l’ennemi de l’autre Partie Contractante, cas dont parle l’Art. XV. de notre Projet, il seroit très convenable d’insérer à l’Article XIII. du Contre-Projet la clause: “que dans les cas énoncés, si le Patron du navire préféroit de livrer la pacotille suspecte au vaisseau qui en auroit la découverte, le navire marchand ne pourroit plus être arrêté, mais auroit toute liberté de poursuivre sa route.”
[written in the “observations” column with an arrow suggesting it be inserted as the penultimate sentence of Article XIII.:] which Compensation, in Case of Dispute, shall be determined by Arbitrators mutually chosen from among the Members of a neutral Nation. Query, if some such Addition as the above may not answer the Objection?
Article XIX.
[written above in another hand:] To be consider’d
De même que les Etats-Unis de l’Amérique, par la teneur d’un Traité de plus ancienne date, se trouvent dans l’obligation d’excepter les prises faites sur les Sujets du Roi de France, de l’entrée dans leurs ports, il peut y avoir des cas où ce seroit compromettre le Roi, que de recevoir dans ses ports des prises faites sur d’autres nations. Par cette considération, il vaudra mieux rétablir cet article tel qu’il a été minuté dans nos réponses aux observations de Mr Adams, envoyées au Ministre du Roi en Hollande au mois de Mai de cette année, savoir: “que les vaisseaux armés de l’une des Parties Contractantes ne pourront conduire les prises qu’ils auront faites sur leurs ennemis dans les ports de l’autre, à moins qu’ils n’y soyent forcés par tempête ou péril de la mer: en ce dernier cas elles ne pourront être arrêtées ni saisies, mais on les fera ressortir le plutôt possible;” ce qui rend l’exception des vaisseaux pris sur la France entièrement superflue.
Article XXI.
ad 4./ Après les mots: dont le Preneur est Sujet, on pourroit ajouter pour plus de clarté: “Mais par la Justice du lieu où la prise aura été conduite.”
Article XXV.
A la fin de cet Article, et pour le rendre analogue aux Articles II. et III. avec leurs additions proposées, il sera indispensable d’ajouter la clause: “que lorsque les Consuls voudront faire le commerce, ils seront soumis aux loix et usages des lieux, où ils voudront le faire.” Tous les autres articles du Contre-Projet, dont il n’est pas fait mention en termes exprès dans ces Observations, pourront être adoptés sans addition ni changement.
Notation: Hague Jan’y 24. 1785 from The Baron Thulemeier Covering Observation of the K of Prussia on the Draught of a Treaty
641937 = 042-u614.html