From ———: Observations on the Finances of the U.S. (unpublished)
[1779]
Observations sur les finances de l’Amérique

Au commencement de la guerre il étoit vraisemblable que les revenus constants et les ressources de la Grande Bretagne l’emporteroient à la longue sur l’impétuosité et les efforts momentanés d’un peuple que l’occasion a forcé de combattre pour sa liberté, et qui étoit d’ailleurs sans discipline, sans plan fixe, et sans moyens assurés de Subsistance.

L’Amérique n’ayant jamais été fortement taxée, ni pour un tems déterminé, étant sans Gouvernement fixe, et ayant pris les armes contre ce qui étoit autrefois le pouvoir légal, n’avoit point de fonds pour soutenir la guerre malgré ses richesses et fertilité; Et comme la guerre est précisément relative au droit de taxation, c’eut été une extravagance que d’établir des Impôts à moins d’une extrême nécessité.

Il auroit été d’un autre côté de la folie de vouloir emprunter de l’argent des particuliers sans moyens visibles de le leur rendre, tandis que la perte en étoit certaine en cas de revers.

On adopta donc dès le commencement une mesure avec laquelle la nation s’est depuis familiarisée, ce fut de créer du papier monnoye qui représente des especes, et pour le rachat duquel on engagea la foi publique.

Ce papier devant circuler de main en main il n’en résultoit aucun risque pour les individus, a moins qu’ils ne le gardassent trop longtems; Et personne ne refusoit de le recevoir pour les marchandises, ayant à son tour l’intention de le donner en payement pour d’autres marchandises.

Ce crédit général ne dura cependant pas lontems; il menaçoit d’une ruine si totale les desseins de nos ennemis, qui avoient fondé leurs plus douces espérances sur l’anéantissement de nos ressources, qu’ils firent tous leurs efforts, eux et leurs Partisans, pour le faire tomber. Leur succès dans cette partie leur en facilita toujours de nouveaux, parce que celui qui ne pouvoit satisfaire ses besoins avec du papier, ne vouloit pas, d’un autre côté, se défaire de ses marchandises pour s’en procurer.

Pour rémedier à ces maux les Etats, aussitôt qu’ils eussent donné quelque forme à leur législation, passerent un acte pour donner au Papier américain un cour légal, et aussi pour déterminer sa valeur en la   par des amendes suivant la valeur du billet au taux de la somme qu’il exprimoit. Mais tous ces Actes ne produisirent qu’un monopole général.

Le monopole des marchands et l’interruption du commerce rendirent les especes encore plus rares, et cette cause jointe au Succès de l’ennemi occasiona la dépréciation du papier et cette dépréciation fut la source d’une dépréciation ultérieure. Les Ordonnances rendues pour remedier à ce mal furent infructueuses; Il alla en augmentant.

Cet état des choses éxigea une plus grande émission de papier, ce qui augmenta ses effets circulants à un tel dégré que tout autre objet de circulation fut exclu, et que leur surabondance en augmenta encore la dépréciation.

Les différents Etats de leur côté, aulieu d’imposer des taxes pour satisfaire à leurs dépenses particulieres, suivirent l’éxemple du Congrès et répandirent aussi des Billets sous differens noms et differentes formes, ce qui en rendit la contrefaction plus aisée; Et l’ennemi ne manqua pas de profiter de ce grand, quoique vil, avantage, ce qui produisit encore une nouvelle dépréciation.

Forcé d’un autre côté de se rendre souvent sous les drapeaux, le cultivateur, qui avoit d’ailleurs perdu toute ardeur pour le travail vu la modicité du prix des denrées au commencement de la guerre comparée à celui des autres articles qui s’éleva beaucoup plus rapidement, reduisit bientôt cette abondance qui avoit précédé la guerre. La plus grande consommation qui en résulta ensemble les ravages et la Subsistance de l’ennemi firent voir à la fin l’anéantissement des moyens de subsistance.

Depuis ce moment la fabrication du papier a été énorme et a conséquemment augmenté les maux qui l’ont necessitée, et qui auroient bien eû les suites les plus fatales pour l’amérique, si ses succès et son alliance avec la france ne l’eussent empêché de tomber tout-à-fait. La certitude de son retrait étant actuellemt. assurée nous ne souffrons plus que par sa quantité.

Mais vû que cette quantité non seulement en rend la valeur disproportionnée en elle même, vu aussi que de nouvelles créations sont nécessaires et que par conséquent il est certain que toutes choses rencheriront, elles rencherissent par là même au delà de leur prix naturel; Et vice versa, si nous pouvions absorber une partie de l’inondation dans laquelle nous nous trouvons, toutes choses deviendroient à meilleur marché, par la certitude que cela doit arriver.

Notre papier monnoye ne peut être absorbé que par trois voïes.

la 1ere consiste dans les Impots; Mais ils ne remedieront pas au mal tant que la guerre durera. Parce que le Papier devra continuer à suppléer au produit même nominal des taxes; et les taxes ne peuvent pas produire beaucoup, attendu que l’ennemi occupe une parties du Païs tandis qu’il ravage l’autre attendu aussi la foiblesse des Etats qui sont dans leur enfance, et qui n’ont pas encore acquis ce pouvoir, cette méthode et cette fermeté qui ne Sont le partage que d’Etats plus anciens.

La 2de Voye est celle de l’Emprunt; mais elle n’est point suffisante, parce qu’aucun intérêt ne peut engager les particuliers à prêter leur papier, attendu que les Sommes payées jointes à l’intérêt ne vaudroient pas au bout d’un an en papier la moitié de la valeur actuelle du Capital; Et quand même cet avantage pourroit éxister, alors la faveur que le papier reprendroit seroit préjudiciable à l’Etat à raison de ses emprunts, sans parler de Sommes énormes pour lesquelles il paye intérêt en especes; ou ce qui revient au même, si l’on pouvoit emprunter une somme égale à celle du Papier monnoye, de maniere à donner à celui-ci la même valeur qu’à l’argent.

La dre Méthode seroit des emprunts ou des subsides très considérables qui pourroient être fournies par les Puissances de l’Europe; C’est le seul moyen qui pourroit remplir l’effet désiré et qui seroit à l’abri des inconvenients mentionnés ci dessus. En effet si la somme dont il est question est accordée moyennant le change actuel comme par le moyen de la Suppression de la plus grande partie du papier le change se trouvera au pair, le papier restant se trouvera à sa valeur réelle, et la somme due n’excédera pas sa valeur réelle.

Mais il y a des objections à faire contre cette méthode

1o On ne peut guere attendre des Subsides proportionnés à nos besoins tant que nos alliés étant en guerre ont eux mêmes besoin de tout l’argent qu’il pourront se procurer.

2o. On ne peut probablemt. pas obtenir des emprunts sans de bons garans ou des suretés que l’Amérique n’est peut être pas dans le cas de procurer ou de donner.

D’un autre côté on ne peut guere pousser la guerre avec vigueur tant que nos finances ne Seront pas dans un meilleur état, et encore nos efforts, naturellement affoiblis, seront accompagnés d’une dépense oppressive qui augmentera la foiblesse des Etats confédérés.

Il résulte de ces observations que les Etats sont tellement épuisés qu’a moins d’efforts volontaires et les plus grands de la part de tous les habitans il ne sera pas possible d’entretenir un grand nombre d’hommes; Et ces efforts [ne] Sauroient avoir lieu avec une monnoye aussi dépreciée que la nôtre. A l’honorable Benjamin Franklin Ecuïer. Monsieur

Vous mettrez dans leur entier sous les yeux du Ministere de france les observations précédentes portées dans vos instructions et en écartant les difficultés que vous ne pouvez manquer de rencontrer, vous tâcherez d’obtenir les Secours dont nous avons besoin.

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