Je ne scais mon cher Ami si vous trouverez que J’ai bien fait. Il s’agissoit il y a quelque tems de choisir quelques Personnes en Europe Membres de la societé Philosophique de Philadelphie. Je pris la liberté de vous faire proposer sans vous en prevenir, et J’ai eu la satisfaction d’apprendre que vous avez été elu unanimement. On m’a faites aussi l’honneur de m’elire en meme tems. Je me suis chargé avec bien du plaisir, de la Commission de vous remettre le Certificat cy joint de votre Election—et J’apprendrai avec une egale Satisfaction que ce que J’ai fait vous etes agréable.

M. Cabanis et M. Charles que J’ai aussi fait proposés, on eté egalement élu.

Je ne scais si Je vous ai encore accusé la Reception de quelques Livres que Je vous avez demandez, et des sabots. Il me sont arrivés en bonne Etat quoique longtems après l’Envoy. Je ne puis parvenir a faire porter les sabots par mes Gens a la Campagne—malgré que Je leur donne l’Example toutes les fois qu’il fait mauvais sous pied. Telle est la force de l’habitude et des Prejugés.

Je n’ai point encore reçu les Grains et les Arbustes, qui vous ont déja donné tant de peine et que vous dites avoir été expediés pour l’Orient. Veuillez mon Ami parler encore a ce M. Williams, et savoir de lui par quel Vaisseau son Correspondant les a envoyés. Je fais dans ce moment cy un Jardin Potager superbe a ma Campagne—ou J’ai déja eu des Legumes qui n’avoient pas encore parues dans ce Pays cy, et pour lesquelles Je vous suis en grande Partie redevable—savoir, des Lentilles, plusieurs especes de Laitues panachés et de Choux de Milans; des Betteraves jaunes etc. et J’espere cette hyver manger des Cardons d’Espagne si Je puis apprendre a ma Cuisinière a les accommoder. Mais comme Je suis terriblement Gourmand Je voudrai aussi manger des Chevreuils, mais ils n’arrivent pas malgré qu’il vient d’arriver a N. York un Vaisseau qui est parti du Havre au commencement De Juin.

Je sens bien que Je vous tourmente beaucoup mais Je sens aussi que Je vous aime beaucoup—et Je scais par experience que vous aimez a obliger. Au reste mon Ami Je veux vous soulager d’une de mes Commissions, c’est celui du Chien d’arret, si vous n’en avez pas encore fait l’emplette ne m’en envoyez pas. On vient de me faire Cadeau de deux de cette Espece et qu’on dit etre de tres bonne Race. Je ne puis vous exempter de même de m’envoyer des pieds de Poiriers et de Raisins, dans les saisons Convenables. Mais de grace n’employez pas ce M. Berard pour cette Envoye.

Mon Ayeul, de qui la santé est toujours le meme, vous prie, de lui envoyer la 3eme et 4me Livraison de l’Art de verifier les Dattes—la suite de l’Ouvrage de l’Abbé Rozier sur l’Agriculture—ainsi que l’Encyclopedie par ordre de matieres si toutefois M. Jefferson ou M. Grand ne sont pas chargé de cette envoy, ce que nous ne nous rapellons pas bien. Si c’est vous qui faites les Avances, addressez vous a M. Grand pour etre remboursé pour ce qui regarde mon Ayeul. Et si les fonds que vous aviez a moi sont epuisés faites autant pour ce que Je vous suis redevable. M. Grand a de l’Argent a moi, et il vous payera l’Argent dont vous aurez besoin pour mon Compte. A propos Je n’ai pas non plus entendu parler des six Paires de souliers.

Adieu mon Ami Je pars a l’Instant pour la Campagne ou J’attend le plaisir de recevoir mon Grand Pere la semaine prochaine. Je voudrai de tout mon Coeur que vous fussiez de la Partie! Tachez donc de nous venir voir au Printemps. Il doit venir de Philaldephie dans une charmante Chaloupe appartenant a l’Etat, et qui est toujours aux Ordres du President. Elle peut venir jusqu’a ma Terre, et du bord de l’Eau il viendra en Chaise a Porteur jusqu’a la Maison qui n’en est pas fort eloignée du Creek. Mille Amitiés a Madame Le Veillard et a vos Enfants et ne m’oubliez pas auprès de M. Dailly, Mademoiselle Monmarquet, M. Petit—les Brillons—les Chaumonts etc etc. Vous devez vous appercevoir que Je ne me perfectionne pas trop dans la langue francaise.