Puisque vous avés bien voulu accepter Les Lettres de change que vous a presentées M. De Martigny mon frere, j’ose esperer que vous ne rejetterés pas la requête que je ne crains point de vous adresser en sa faveur. Je n’ai pas besoin de Mettre sous vos yeux que les Evenemens L’ont mal servi, que se croyant sur d’un Etat en suivant M. Du Coudray, ses Esperances en arrivant en Amérique se sont évanouies, qu’il s’est absolument trouvé la victime du voyage qu’il faisait pour s’unir aux Deffenseurs de la Liberté, que le sejour qu’il a fait parmi eux, ainsi que son retour en france, lui ont occasioné des dépenses infiniment plus considérables que Les indemnités qu’il en a reçues; ce ne sont pas des plaintes Monsieur dont je veux vous fatiguer: je viens uniquement reclamer votre appui auprès de M. De sartine et vous prier D’obtenir de ce Ministre L’expédition des justes demandes que lui fait M. De Martigny.

Celui qui a tout quitté pour aller soutenir une Cause qui vous eut immortalisé, si vous ne l’eussiés été deja a D’autres titres, a peut être droit a votre protection. Les Representans des Etats unis ne peuvent que mériter de plus en plus L’estime et le Respect de Notre nation Lorsqu’ils voudront bien rendre aux français a Versailles Les Bons offices que Ceux ci s’étaient empressés d’aller Leur offrir a philadelphie. Si ce ne sont pas Les principes d’une justice rigoureuse qui doivent leur valoir La protection que je reclame, au moins La politique semble-t-elle éxiger qu’on la leur accorde. Au Reste Le Génie qui prévit La Liberté de L’amérique, et qui sut L’assurer par ses heureuses négociations, verra mieux que moi ce qu’il doit faire, un seul mot de sa Bouche peut décider Du sort de Mon frere et L’indemniser des sacrifices qu’il a faits; si ce mot est prononcé je ne cesserai d’unir ma voix a celle de mon frere pour bénir son Bienfaiteur. Je suis avec Respect, Monsieur, Votre tres humble et trés obeissant serviteur