à paris ce 26. juin 1785.
Mr. Guillotin.
Vous m’avez fait esperer, Monsieur, que vous voudriez bien vous
charger d’un memoire pour remettre à M. frankclin, Sa reputation
de probité et de bienfaisance me donnent la Confiance qu’instruit
de l’affaire du Sr. Daste Negt. á Bordeaux, il voudra bien à votre
priere, Monsieur, se faire rendre compte de ce qui S’est passé à
cet egard; vous Savez, Monsieur, l’interêt que j’y ai et j’ose
croire que M. frankclin ami du bien et de la justice se fera
eclairer sur la verité des faits. Mr. Le Marechal de Castries m’a
fait l’honneur de me dire et de m’ecrire comme vous l’avez vû
qu’il feroit terminer cette affaire si toutes fois il etoit lui
même eclairci de tout ce qui s’est passé à Boston; c’est à ce
Sujet que je reclame la protection de M. frankclin; je remet entre
vos mains mes interets. Les Bureaux de la Marine disent
aujourd’hui que l’affaire du Sr. Daste est pendante dans les
tribuneaux et qu’elle est purement judiciaire, ce qui est
inconcevable; Le navire Le vernet a ètè vendu par le Consul de
france à Boston pour le Compte du Roi, Sans enchêres et Sans
formalité d’usage qui est contre l’ordonnance; Le prix de la vente
est restè entre les mains du Consul qui a dû le remettre à Son
successeur M. de Letombe; après cette vente Le Sr. Levalnois a
retenu par ordre du Roi le nommé Camestran me. d’equipage du d.
navire pour y rester dans cette même qualité, qu’il Seroit payé
ainsi que l’armateur en entier en france; il faut observer que ce
navire sous la conduite du du d. Camestran me. d’equipage qui ne
l[’eut] abbandonné fût envoyé chargé de Commestibles au Cap St.
Domingue Sous la Consignation de l’intendant pour L’armée de M. Le
Cte. D’estaing, et Le Roi ou Son Consul le fit assurer à Boston,
de maniere qu’ayant été pris par les ennemis Le Roi se trouve
detenteur du prix que son consul Levalnois y a imposé en Son nom,
et il a reçu le prix des assureurs d’après cet exposé et le
memoire ci joint vous voyez, la justice des reclamations du Sr.
Daste; j’aurois l’honneur de vous faire de vive voix tous mes
remercimens et vous assurer des Sentimens d’estime et de
reconnoissance avec lesquels j’ai l’honneur être, Monsieur, votre
trés humble et obéissante Servante
Le Sr. jean Daste, proprietaire du navire l’esperance, qu’il
desiroit armer sous le nom du Vernet de Bordeaux, se retira par
devers M. le Lieutenant Gènéral de l’amirauté de Guyenne à
Bordeaux, et lui demanda la permission de lui imposer le d. nom de
Vernet, et de lever Sous ce nom un Congè de S. A. S. Mgr. L’Amiral
pour le d. Navire, ce qu’il obtint du consentement de M. Le
Procureur du Roy par ordonnance du 1er. juillet 1778.
En conséquence de la Susde. ordonnance il a ètè enrégistré au
Greffe de l’Amirauté de Guyenne Le 1er. juillet 1778. un congé de
S.A.S. Mgr. L’Amiral au nommé Turpin Commandant le Navire le
Vernet de Bordeaux, destiné pour St. Pierre Miquelon, ayant dix
sept hommes d’equipages.
Les 12. et 13. du d. mois de juillet 1778. Les Srs. Turpin et
Villiers Douazan arivent au Sr. Daste pour lui apprendre que Son
Navire le Vernet est en mer du 12. du d. mois.
En vertu des titres rapportés ci-dessus, le Sr. jean Daste
Negociant et Armateur á Bordeaux et reellement et de fait
proprietaire seul du Navire le Vernet, lequel S. est rendu à
Charleston avec Sa Cargaison qu’il y a debarquée, après le d.
debarquement à Charleston, il y a chargé en marchandises du dit
lieu pour faire Son retour à Bordeaux; après que le dit Navire fût
chargé à charleston des Marchandises du dit lieu, il en repartit
le 12. mai 1779. pour se rendre á Bordeaux: mais aprés huit jours
de traversée il fût pris par un Corsaire Anglais et repris dans
les vingt quatre heures le lendemain par une fregate Américaine
appellèe la Boston, laquelle l’envoya au port de Boston, où il
arriva en bon Sauvement ayant pour maitre d’Equipage le nommè
Camestran Classé dans le Departement de Bordeaux, lequel Camestran
a dit que le Capitaine du d. Navire le Vernet se nommoit Turpin
Capitaine de St. Malo, et que le d. Navire avoit ètè armè à
Bordeaux par M. Daste à qui il appartient toujours.
Ces faits Sont Contenus dans une lettre de Mr. Le Valnois Consul
de france à Boston, ecrite du d. Lieu le 15. juin 1779. à M. Le
Moine Commissaire Ordonnateur à Bordeaux; au quel il marque avoir
reclamè le d. navire et Cargaison pour le compte de qui il
appartiendra Suivant les loix du Continent de Boston.
Il prie Mr. le Moine par cette lettre de rendre publics les
qu’il lui donne de ce Navire, afin que personne n’en
pretende cause d’ignorance.
Le dit Sr. Le Valnois, par P. S. de Sa lettre, dit qu’il vient
d’apprendre certainement que le d. Capitaine Se nomme Christophe
françois Turpin, auquel il manque un oeil.
Le 15. aoust 1779. le Sr. Le Valnois Consul de france à Boston
donne Son Certificat portant que le nommé Camestran maitre
d’equipage, embarqué à Bordeaux Sur le Navire le Vernet Commandé
par Capitaine Turpin, est resté àbord du dit Navire jusqu’à la
condamnation, et que le dit navire est arrivé au dit Boston ayant
été pris par les Anglais et repris par une fregate americaine, et
dont voici le resultat.
Sommes provenant de la vente faite à Boston du navire Le Vernet
et Cargaison de l’acquisition du Sr., Le Valnois Consul de france
au d. Boston, is à prix par le Sr. Bell, et à lui judiciairement
adjugé en presence du nommè Cumestran Me. d’equipage du d. navire
ainsi qu’il Suit.
Le 10. juin 1780. par la declaration passée devant M. Le
Lieutenant Général de L’Amirauté de Guyenne à Bordeaux par le Sr.
jerome [frvoix] Chauvin, attestée par joseph Meyna[illegible]
ci-devant Chirurgien Sur le d. navire Le Vernet, et joseph sierre
ci-devant Cuisinier Sur le même navire le d. Chauvin ci-devant
embarqué en qualité de Lieutenant Sur le d. navire; il est
que le d. navire appartient au Sr. jean Daste Negotiant à
Bordeaux, que le d. navire commandé par Christophe françois Turpin
de St. Malo a été pris par les Anglais qui Se Sont emparés de tous
les papiers quelconques, et que le dit Turpin est decedé
prisonnier a Neuiork, et enfin que le dit navire a été repris par
une fregate Américaine qui l’a envoyé au port de Boston, où il a
été vendu avec Sa Cargaison.
par la lettre de Mrs. Roulhac et compe. ecrite de Boston le 19.
aoust 1780. à Mrs. Reculè de Bosmarein, Rimbaux et Compe. ils
leurs apprennent que l’affaire du Vernet est enfin finie, gagnèe.
et que les Armateurs doivent recevoir les Sept huitiemes de la
reprise: et qu’en même tems le Consul de france à Boston qui les
avoit Si mal Servis à ètè depossedè.
Au moyen de la revocation du Sr. Le valnois Consul de france à
Boston, et de la nomination du Sr. de Letombe au d. Consulat
celui-ci a ètè dans le cas de faire rendre compte au d. Sr. Le
Valnois de Son administration jusqu’au moment de Sa destitution;
comme le d. Sr. Levalnois avoit reçu pour la Vente du navire Le
Vernet et Cargaison la Somme de 1,331,880 l.t. Sur quoi deduisant
celle de 166485 l.t. pour le 8me. adjugè à la fregate Le Boston
qui l’avoit repris Sur les Anglais, il a dû remettre au dit Sr. de
Letombe Son Successeur pour le Sept 8mes. restants de la Susde.
Somme de 1,331,880 l.t. celle de 1,165,395 l.t. appartenant au dit
Sr. Daste, le quel a le plus pressant besoin de cette Somme pour
faire face aux engagemens qu’il a contractés et pour les quels Ses
créanciers Le poursuivent, même ceux qui lui ont fourni les choses
indispensables à Sa Subsistance et celle de Sa famille, chose
qu’on lui refuse aujourd’hui faute de pouvoir donner quelques
accomptes, de Sorte qu’il Seroit exposè egalement que sa nombreuse
famille à perir de misère et de faim.