From Paul Mérault de Monneron (unpublished)
à amsterdam ce 23. avril 1778.
Monsieur,

Je ne sai à quoi attribuer le retard des Lettres de Recommandation que vous eutes la Bonté de me promettre le Dimanche 5. du Courant lorsque j’eus L’honneur de vous être présenté par Mr. L’abbé Le Clerc. Après m’avoir fait écrire mon nom, vous dites qu’elles seroient faites Le Lendemain, et envoyées de suite chez Mr. L’abbé Le Clerc pour m’être remises. D’après cette assurance Je me déterminai à me rendre à amsterdam où j’avois résolu de m’embarquer pour St. Eustache afin de me rendre de là dans le Continent; ayant donné Commission à M. Le Clerc de m’envoyer ici vos Lettres. Précédemment Mr. Deane m’en avoit promis autant; mais son départ précipité de Paris l’empêcha d’effectuer sa promesse, soit oubli de sa part, soit qu’il manquât de tems pour le faire ce que je crois plus aisément.

J’ignore, Monsieur, si vous avez de la répugnance à accorder ces sortes de Lettres. J’avoue que le contraire m’avoit semblé à mon égard sur le rapport de Mr. L’abbé Le Clerc de même que sur celui de M. Le V[icom]te de flavigny. Naturellement peu importun Je m’en serois tenu à un premier refus.

Voulant Passer dans votre Pays, je crus que la Conduite La plus convenable à tenir en cette occasion, étoit de vous faire parler par des personnes en qui vous eussiez confiance, et qui me connussent. Ces Personnes m’ont rapporté au sujet de la demande que je faisois d’être employé dans votre Pays en ma qualité d’ingénieur, que vous ne pouviez rien me promettre à ce sujet, mais qu’en Passant dans la vue de former un établissement civil, toutes Lettres de Recommandation me seroient accordées. La Passion des voyages, Le Desir de m’instruire et la Curiosité de voir votre pays furent des motifs assez Puissans pour me faire résoudre à entreprendre le voyage à mes Risques, périls et fortune. Je dis que je me contenterois de Lettres de Recommandation. Toutes les choses dont j’ai L’honneur de vous entretenir ici sont le Résultat des entretiens que M[essieu]rs de flavigny et Le Clerc ont eu avec Mr. Deane et vous, Monsieur, mais Principalement avec Mr. Deane.

Pour me tirer de L’incertitude où je suis, permettez-moi de savoir de vous si j’aurai ou non les lettres en question afin que je me détermine d’après votre réponce sur le Parti que j’aurai à Prendre.

Mr. Pallard De geneve avec qui je suis Logé ici, est dans cette ville avec Des vues à peu près semblables aux miennes, à la Différence qu’il transporte son bien dans votre pays pour y former un établissement et s’y fixer. J’ignore tout-à-fait votre politique; mais il me semble qu’un homme fait, qui joüit d’une bonne réputation et qui la mérite, et qui Possede une fortune honnête, est une Bonne acquisition pour un pays qui va vivre sous de nouvelles Loix; c’est Là précisément Le Cas où se trouve Mr. Pallard; Je doute fort que vous puissiez accorder des Lettres de Recommandation à quelqu’un qui les mérite mieux: il m’a dit vous avoir été présenté Par Mr. L’abbé Le Clerc, ainsi qu’à Mr. Deane qui avoit pris son nom en lui promettant des Lettres d’introduction dans la virginie, où il se propose de se fixer.

Supposant maintenant que vous soyez dans l’intention de nous accorder ces Lettres d’introduction à L’un et à L’autre, ou seulement à Mr. Pallard parce que sa position est toute Différente de la mienne vous Pourrez Les adresser comm’au Bas de cette Lettre.

Je suis avec Respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Paul Merault De Monneron
Capitaine au Corps Royal du Génie de france.
à Monsieur Pallard
chez Messieurs Wernier, hartsinck et
Wernier Banquiers à amsterdam
——
à Monsieur Monneron chez
Les mêmes.
Endorsed: Paul Merault de Monneron. Amsterdam 23. avril 1778.
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