Blanchette Caillot to William Temple Franklin (unpublished)
St G…ce mercredi 5 mars 1788

Enfin mon bon ami me voila encore mere, mais cette fois ci c’est d’un gros garçon et si énorme qu’il a pensé couter la vie à sa pauvre maman. Il s’en faut bien qu’il ait été aussi leste et aussi prompt que mon pauvre petit Th…à paroitre en ce monde. Cependant à présent qu’il est arrivé, je lui pardonne le mal qu’il m’a fait, et je l’aime aussi tendrement qu’il est possible. Je suis tres bonne et tres heureuse nourrice ma santé est parfaite, elle n’est point du tout alterée de la tâche que j’ai entreprise, j’oublirois même le monde antier en cette peinible mais pourtant bien interessante occupation, si le monde antier n’avoit que trois parties. J’aurois bien voulu vous écrire plutot, car il y a aujourd’hui six semaines que je suis accouchée en verité cela m’a été de toute impossibilite je ne puis vous éxprimer l’interet obligeant que les habitans de cette ville ont pris à moi, dans cette circonstanse, interet au quel je suis sensible sans doute, mais qui ne m’a pas laissé un instant de liberté pour le donner à mon ami absent. J’ai presque toujours du monde, j’ai quelque fois murmuré contre les soins que l’on veut bien me rendre rééllement mon cher f…je suis ce qui s’appelle gâtée. Dans cette ville ce n’est pas la vanité ni l’amour propre qui me fait vous dire cela, c’est seulment le désire de vous faire un peu de plaisir, on est toujours bien aise de rencontrer des partisans de notre façon de penser. Mon dieu! mon ami combien de fois j’ai éprouvé ce bonheur relativement à vous.

Md pa…est encore grosse. Misericorde! allez vous dire “quatre enfans en cinq années? Cela est bien bourgeois pour un si grand et si noble personnage! Que ferons nous donc nous autres républicains?[”] Il à fallu sévrer la petite derniere bien vite! bien vite! La pauvre mere est fatiguée épuisée &c &c…Je vous prie mon ami si jamais vous vous marie, tout bon republicain que vous soyez ménagez mieux votre femme, au surplus la bonne damme pa ... est amoureuse et jalouse de son mari tant et plus, sa soeur n’est ni l’un ni l’autre comme vous pensez bien, cette derniere va prendre sa maison l’hiver prochain, je crois que son mari est fatigué à l’exces des grands airs du Monsieur d’ailleur il ne se cache pas pour dire que la maison est ennuyeuse à périre, les envieus amis attendant avec impatience le moment de la séparation pour voir et aller chez la jeune soeur à la quelle ils ont tous conservé une tendre amitié du nombre est Mon de Beaupin, Md Baron &c &c…Pour moi je suis toujours la plus tendre et la meilleure amie de cette beaucoup trop sensible femme notre commérce de lettre se soutient sans intéruption depuis mon départ du cher passy, je crois bien que notre attachement durera autant que notre vie. Cette pauvre amie voit la séparation de sa famille avec la plus grande peine en quoi je la trouve beaucoup trop bonne car je suis sure que ses parens n’auront pas le moindre regret de la quitter.

Adieu mon cher mon tres aimable ami ne soyez pas fâché si je ne cause pas plus long tems avec vous il y a huit jours que je suis à finir cette lettre, jour et nuit je tiens Mon Armand dans mes bras je suis sa mere sa nourrice et sa premiere bérseuse jugez quelle tâche! Je la remplit en franche campagnarde, plus j’y pense et plus je crois que j’etois née pour habiter en pays plus raisonnable que le mien.) Ajoutez à toutes ces occupations l’obligaton de recevoir du monde je ne puis fermer ma porte on sait que je ne sors pas adieu donc mon cher f…Adieu bon et aimable ami donnez moi de vos nouvelles plus exactement je n’aime psa ces grands voyages qui m’empèchent de recevoir de vos lettres adieu adieu.

Tous les jours on auguement de soins et d’attentions pour moi, on est ravi du parti que j’ai pri, je vois que l’on a pensé juste en croyant que c’est la plus sure distraction pour une femme sensible, c’est au moins la seule que je puisse me pardonner, d’ailleur distraction n’est pas oubly, bon dieu quelle difference! Ma fille devient toujours plus aimable elle est belle bonne et douce heureux celui qui la prendra pour sa compagne. En verité j’ai été bien blamée de la maniere dont je l’ai éllevée mais je m’en sais bon gré ce cera la meilleure des femmes, ou je suis bien trompée elle est déja la meilleure des filles, et me donne en tout la plus grande satisfaction. Je suis persuadée que vous seriez étonné de sa raison. Adieu encore une fois voila tout ce que j’ai à vous dire de l’interieure de ma maîson je ne vous dis rien de ce lieu de mon coeur vous le connoissez si bien adieu adieu aimez toujours votre pauvre et tendre amie.

Md le Br…vous embrasse de tout son coeur n’est ce pas bien hardi.

644046 = 045-u432.html