— Gohier to William Temple Franklin (unpublished)
Paris 13 4bre—82.
Monsieur.

La Liberté, Sous le doux Empire de la quelle vous avez le bonheur d’être né, et de vivre, la liberté, qui rend tous les hommes égaux, et ne les distingue que par les Sentimens, inspire aussi l’indulgence, comme Elle inspire toutes les vertus dont elle est l’ame et le principe. Il Suffit d’être libre, et j’en Sentis tout l’avantage inestimable: pour être bon, généreux, Sensible. J’ai déja éprouvé, Monsieur, jusqu’à quel point vous possédez ces qualités si utiles et Si cheres à l’humanité: et j’ai besoin de l’éprouver encore. J’attens de vous une grace, qui, Sans être trop onéreuse pour vous, est extrêmement importante pour moi par le prix que j’y ajoute. En Cederez vous une nouvelle importunité que vous ne devez qu’à la bonté avec la quelle vous avez bien voulu m’accueillir d’abord.

Je touche au moment de mon départ. Lundi j’aurai quitté Paris; et je me reprocherois Sans cesse de m’en être éloigné, Sans avoir auparavant encore une Fois le bonheur de Saluer Son Excellence, et de lui offrir de nouveau le Sincere et juste hommage de la vénération profonde à la quelle Son auguste présence n’a Fait qu’ajouter.

ô Monsieur, que je dois être coupable ou ridicule aux yeux de Son Excellence et aux votres! L’une et l’autre de ces idées me Sont également insupportables. Que j’ai peu profité de L’audience que Son Excellence a bien voulu m’accorder, et que j’en ai de regret!...Monsieur, daignerez vous m’aider à réparer de Si grands torts en ma présentant de nouveau à Son Excellence. J’avais tant à lui dire—et je lui ai Si peu dit et Si mal...aura-t-elle, du moins, attribué ma Stupide incertitude, le trouble de ma personne et le désordre de mes discours au religieux Saisissement donc j’ai soudain été frappé à son aspect. J’étois trop plein de sa présence, pour pouvoir m’énoncer librement et de maniere à le Satisfaire. Monsieur, je vous l’avouerai Sans honte en abordant ce grand homme, Si célébre dans l’un et l’autre hémisphère, en me trouvant Si près de ce citoyen fameux, qui, depuis Si longtems, attache tous les regards, et Soutient avec tant de gloire la confiance et la dignité du Seul peuple d’hommes qui éxiste peut être Sur le globe, je n’ai pu me défendre de la plus vive émotion que j’aie éprouvé de ma vie. Je suis resté tremblant, presque interdit à des questions toutes Simples, toute naturelles, et aux quelles je m’attendois. Sans doute, je m’étois mal préparé à l’honneur que je recevois, ou plutôt j’étois trop foible pour un tel Spectacle. Après un pareil aveu, je crains bien que la temérité d’une nouvelle tentative ne vous paroisse pas pardonnable. Mais, Monsieur, vous êtes généreux. J’ose espérer que vous voudrez bien prévenir Son Excellence en ma faveur, et lui demander pour moi quel jour de Samedi 14, de dimanche, ou même Lundi mmatin, et à quel moment, je puis encore avoir L’honneur de lui faire ma révérence. J’ai L’honneur d’être avec les Sentimens de la plus haute Considération, Monsieur, Votre très humble et très obéissant Serviteur,

Gohier

p.s. Si, comme votre honnêteté ne me laisse point lieu d’en douter, vous daignez m’honorer d’un mot, permettez, Monsieur, que j’insère ici mon adresse—la voici: Gohier, quai des armes, hôtel d’auvergne, à Paris—
Notation: Gohier, Paris 13. Xbre 1782.
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