To ——— (unpublished)

J’ai reçu Monsieur la lettre par laquelle vous me faites l’honneur de me consulter sur quelques expériences que vous avez faites sur la bouteille de Leyde. Je n’aurois pas manqué d’y répondre plutôt sans un grand nombre d’affaires qui m’en ont empêché.

J’entre en matière sans cérémonie et j’ai l’honneur de vous faire observer que si vous aviez bien voulu faire un peu plus d’attention à ce que je rapporte, dans mon traité sur l’Electricité, des effets de la bouteille de Leyde et à ce que je dis pour expliquer les causes du choc merveilleux de cette bouteille, toutes vos difficultés, au moins je m’en flatte, auroient été levées.

Vous avez voulu prouver contre moi Monsieur qúe l’enveloppe extérieure de cette bouteille n’etoit pas dépouillée de son électricité naturelle comme je le prétends et qu’au contraire ces deux enveloppes etoient chargées d’une electricité très positive. Vous avez fait en conséquence deux différrentes experiences et M. votre ami en a fait une troisième et toutes les trois vous ont fort étonné mais je pense comme je viens de vous le dire qu’un peu plus d’attention sur ce que j’ai avancé sur les effets de cette bouteille auroit fait cesser votre surprise, Car vous auriez vu particulierement à la pag. 18 Exp. 7me, de la traduction de M. Du Bourg que si un homme monté sur un gateau de cire tient une bouteille de Leyde, ou la fiole electrisée et qu’on touche le fil d’archal; à chaque fois qu’on le touchera l’homme sera électrisé. Il y a dans la traduction de moins en moins mais cette expression n’est pas éxacte il falloit dire l’homme sera électrisé en moins et à mesure qu’on touchera le crochet on l’electrisera en moins davantage. Cet article ajoute que quiconque sera sur le plancher pourra tirer de cet homme une étincelle et que le feu passe du fil d’archal a celui qui tire l’étincelle et de l’homme monté sur le gateau au fond de la bouteille. Or tout cela est entièrement conforme aux faits; des experiences sans nombre, ayant prouvé qu’une bouteille de Leyde chargée à l’ordinaire, acquiert en conséquence de cette opération, et par la perte de L’Electricité de la surface extérieure du verre, la vertu de repomper cette électricité des corps non électriques, qui la touchent toutes les fois qu’on en tire du crochet; ce qu’on fait quand on touche ce crochet, ou qu’on tient la bouteille par son moyen. Or les trois expériences que vous rapportez Monsieur reviennent entierement à celle là.

En effet dans la premiere vous tenez une bouteille par le crochet et vous l’appliquez sur le tableau magique. Qu’arrive-t-il? que ce tableau s’électrise dans ce cas comme l’homme monté sur le gateau de cire et à qui on met dans la main une bouteille de Leyde qu’on tient par le crochet. Or tout carreau de verre disposé pour l’Experience de Leyde et qui est électrisé étant par cela même chargé il n’est pas étonnant que votre tableau magique vous ait donné un choc puisque par votre expérience il etoit et devoit être chargé.

Quand dans la seconde Expérience vous en avez appliqué l’enveloppe à votre conducteur et que vous avez tourné Le Plateau il n’y a eu rien d’étonnant que ce Tableau ait été totalement déchargé puisqu’en électrisant votre conducteur vous avez rendu à l’enveloppe de ce tableau qui étoit électrisée en moins ou qui tendoit à repomper le fluide électrique puisque vous lui avez rendu, disje, le fluide nécéssaire pour rétablir l’équilibre. Quant à la flamme que vous avez vuë se porter vers le conducteur j’oserois croire que c’est une illusion car elle devoit aller au contraire du conducteur vers le tableau.

Enfin Monsieur l’Experience de votre ami revient encore parfaitement à la même chose, car quand il a appliqué ou posé la bouteille chargée sur le conducteur en la tenant par le crochet ce conducteur s’est trouvé éxactement dans le cas de l’homme monté sur le gateau de cire de l’Experience que je vous ai rapportée. Or comme cet homme s’électrise en tenant cette bouteille par son fonds tandis qu’on la touche par le crochet de même le conducteur a du s’electriser par l’application de la bouteille et ainsi les électromètres s’écarter mais comme je l’ai dit en parlant de cette expérience cette électricité étoit une électricité en moins. Il n’est donc pas étonnant qu’en ayant tourné le Plateau pour electriser le conducteur et l’ayant par cette opération électrisé en plus vous ayez par là fait retomber les electromètres sur eux mêmes en lui rendant ce qu’il avoit perdu et totalement déchargé la bouteille puisque par cette opération vous retablissiez l’équilibre ou faisiez cesser toute différrence entre l’Electricité des deux surfaces du Verre. Je crois par la avoir satisfait à ce que vous me demandez. Je le souhaite au moins beaucoup pour répondre à la confiance que vous m’avez témoignée.

Notation: Le Roy for Dr. Franklin
642750 = 043-u680.html