William Temple Franklin to Louis-Guillaume Le Veillard (unpublished)
Philadelphie le 27 Mars 1786

J’ai reçu avec bien du plaisir mon cher ami votre Lettre du 9. 8bre quoiqu’elle m’est parvenue longtems après la Datte. Je vois par une Lettre de Lamotte que vous n’avez pas été longtems inquiets de notre sort: et vous devez bien imaginé que malgré toutes les Charmes des Dames Algeriennes, et maroquoises, Je prefere celles de ce Pays cy, ou les Messieurs ne sont pas si féroces, quoique pas a beaucoup pres bons-Enfans en fait de Galanterie. Je vous assure mon ami qu’un Garçon ici a bien de la peine a vivre, et si ce n’etoit pour quelques jeunes veuves a consoller, et quelques jolies minois de Femmes de Chambre, nous aurions tous les Pâles Couleurs.

Nos Effets sont arrivés après un Passage de 3 Mois. Ils étoient en assez bonne Etat, et surtout l’Eau que nous avions fait emballé pour notre Passage, et qu’on a eu bien soin de nous envoyer pour ne pas diminuer le Fret; de sorte que nous donnons a choisir a nos Convives ou de l’Eau de Seine, de Sedlitz ou de Passy; ce qui ne laisse pas que d’etre un grand Luxe.

Ce pauvre M. Hudon a bien souffert faute de ses Affaires. Pendant le Passage nous avons fait une Souscription de Chemises et de bas en sa faveur, et arrivé ici il a été obligé de toute acheter, pour lui et ses Ouvriers. Il a reussi on ne peut pas mieux dans son Buste du General mais etant parti avant l’Arrivé de sa Dianne, et d’autres Morceaux de sa Composition, Il n’a pu jouir du Triomphe que ces Productions de son Genie et de ses Talens, lui auroient infaiblement procuré. Les Gens qu’il avoit laissés derriere lui etant partis egalement, Je crains que nous ne trouvions Personne ici capable de mettre ensemble les principales Figures, dont les differentes Parties etoient separées pour la Commodité de l’Emballage. Au reste on n’a pas encore ouvert aucune de ses Caisses, attendu que M. Pyne le Peintre, a qui il a laisse ce soin est actuelment absent en Maryland; mais on l’attend ici tous les Jours. Je vous prie de faire part de ceci à M. Hudon, en lui faisant mes Amitiés, et en l’assurant que Je ferai tout ce qui dependra de moi pour faciliter la Vente des Objets qu’il y a destinés.

Je vous remercie beaucoup de m’avoir envoyé les Sabbots, ils sont comme vous dites un peu Grossiers, mais les Chaussons me plaisent beaucoup. Je m’en suis déja servi de tous les deux, pour aller dans notre Jardin quand il a fait de la Boue, et compte m’en servir davantage ce Printemps a la Campagne, et tacher s’il est possible de les introduire parmis nos Paysans: si cela devenoit general ce seroit une grande Epargne pour la Nation.

Je me suis addressé a plusieurs Personnes qui ont été en Canada pour savoir s’il y avoit des Chevreuils, comme vous l’a dit M. De Bougainville. Ils m’ont tous assuré qu’il n’y en avoit pas: ainsi Je vous prie toujours de m’en envoyer quelques uns, si toutesfois vous pouvez le faire commodément, c’est a dire par un Batiment du Havre directement a Philadelphie, ou a N. York. Ici vous les addresserés a M. Richard Bache—et a New York, à son Frere, Mr. Theophilact Bache, Negociant.

Mon Ayeuil croit qu’il seroit necessaire que quelqu’un les accompagna pour en avoir soin, a moins que quelque Passager voulut bien prendre cette Peine; car il ne seroit pas possible de compter ladessus sur l’attention du Capitaine. En consequence mon Ami, si vous trouvez un honnete Garçon qui soit bon Menuisier ou Jardinier, et qui desireroit venir s’etablir en Amerique, Je consens que vous me l’envoyez avec les Chevreuils, aux Conditions suivans, auxquels il faudroit qu’il souscrive avant de partir.—Qu’il me serviroit, ou mon Substitut, fidelment, pendant l’espace de quatres Ans a raison de deux Cent cinquante Livres Tournois par An, a cette Condition Je payerai le prix de son Passage, et il seroit logé, nourri et blanchi a mes Depens. Il en vient tous les Annés ici des Centaines d’Allemands, d’Irlandois, et autres, de differents Metiers, qui s’engagent de servir 4, 5, et souvent 6 Ans pour avoir seulement leur Passage defrayé, et ne reçoivent aucuns Gages pour leurs Services. Ils s’établissent ordinairement après, et font presque toujours bien leurs Affaires. Si vous trouvez l’homme que Je demande, et a qui ces Conditions conviennent, Je voudrois qu’avant de Partir, il apprit l’art de faire des Pallisades pour entourer un Parc, telles que celles dans le Bois du Vesiné en allant à St. Germain; et uassi comme celles dans le Bois de Boulogne. Ces deux especes de Clotures me seroit très utile a ma Terre. Pardon mille fois de toutes les Peines que Je ne cessent de vous donner. N’etes vous pas bien faché d’avoir un Ami si importun?

Ce que vous me marquez a l’egard de Mlle De Jouy me fait grand plaisir. J’espere que c’est un Mari de sa choix—et qu’elle sera heureuse. Personne ne le merite d’avantage. Faites lui en mon sincere Compliment, ainsi qu’a toute cette aimable Famille de qui Je conserve le souvenir le plus affectioné. Dites Je vous prie a Madame Brillon, que plusieurs de principales Dames de cette Ville m’ayant souvent entendu faire l’Eloge de ses Talens Musicales, m’ont engagé a lui demander un Maitre de Clavecin et de Chant pour Mesdemoiselles leurs Filles. Il y en a déja un ici qui joue très bien du Violon, mais on n’en est pas content comme Maitre de Clavecin ou de Chant. Autrefois il y en avoit un excellent, et il gagnoit beaucoup: et Je ne doute pas que si un très habile vouloit s’etablir ici qu’il gagneroit le double de ce qu’il gagne a Paris. Le Gout de la Musique est devenu très general et c’est actuelment une partie necessaire de l’education d’une Jeune Demoiselle.

Adieu mon Cher Ami. Je crains que le Vaisseau ne part sans ma Lettre si Je ne la finis pas. Dans un Barrique de Jambons que mon Ayeuil envoye a M. Limozin il y en a deux pour vous. Dites moi franchement dans votre premiere Lettre, s’ils sont aussi bons que ceux de Bayonne. Ils sont fait dans les Jersies, tout pret de ma Terre.

Je ne scais si j’aurai le tems d’ecrire a St. G. Si Je ne vous envoye pas de Lettre ne dites pas que vous en avez recue de moi. Je suis dans ce Moment très occupé par mon Deménagement a la Campagne.

Embrassez pour moi Madame Le Veillard, et meme Mademoiselle a qui Je veux absolument ecrire quand Je serai dans ma Retraite. Adieu, mon Ami, aimez moi. Je vous le rends bien

W.T.F.

L’Etat de mon Grand pere est a peu près toujours le meme.
Addressed: A Monsieur Monsieur Le Veillard aux Nouvelles Eaux / à Passy près Paris.
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