From Charles-Henri Titius (unpublished)
à Dresde le 3me Juillet 1783.
Monsieur!

Je meriterois le titre d’ingrat si je laissois passer l’occasion qui se presente de Vous assurer de mon estime parfaite et de la plus vive réconnoissance que je Vous ai, pour toutes les marques de bienveillance et d’amitié que Vous daignates m’accorder pendant mon séjour à Paris, ou j’avois l’honneur de Vous voir souvent chés Mr. le Comte de Buffon, nôtre vénérable ami: acceptés donc l’hommage que Vos Vertus meritent d’un homme réconnoissant qui fait gloire de les publier à ses concitoyens.

J’ose en même tems Monsieur, recommander à Vos bonnes graces celui qui a l’honneur de Vous remettre les présentes. C’est le Sr. Thieriot, marchand, qui va en amérique: daignés Monsieur lui accorder Vos recommandations pour ce pays; la connoissance parfaite que j’ai de Vôtre caractère élévé, me promet en avance que Vous daignerés condescendre à mes sollicitations; si j’occupois un rang plus haut, je Vous offrirois Monsieur mes foibles services, cependant je me flatte que Vous aurés la bonté de m’honorer de Vos commandements, si Vous m’en croyés digne, et la plus exacte exécution Vous fera voir combien j’en sais faire cas.

Non content Monsieur de Vous avoir demandé une grâce, j’y joints encore une autre, mais je me vois obligé d’entrer premierement au détail du fait: Il y a plus de cinquante ans qu’un certain Médécin içi, nommé Oehme inventa des médécines efficaces contre beaucoup de maladies, il gagna par ce moien un bien très considerable dans ce pays çi; je ne puis pas dire si ces remedes ont toutes les proprietés que l’inventeur leur attribue, car leur composition est un secret. Cependant comme leur credit s’est soutenu jusqu’içi et que leur débit bien considérable s’etend presque sur toute l’Europe l’on doit pourtant croire qu’ils meritent quelque attention. L’inventeur laissa après sa mort leur composition aux mains de son fils unique, qui fût un (?) Docteur en Médécine. Ce dernier étant mort au commencement de l’année courante, les laissa par Testament à l’école des pauvres de cette capitale, institut fondé sur la générosité des vénérables freres maçons, le profit qui en revient est donc pour cette école, ou l’on éleve actuellement cent et sept orphelins garçons et filles. C’est donc pour l’amour de ceux-ci que je Vous prie très humblement de vouloir instruire le Sr. Thieriot si l’entrée des medécines inconnues est libre en amérique, et de lui accorder Vôtre assistance pour y faire quelque debit. Vous voyés bien Monsieur que c’est un oeuvre de charité, soutenés le, je Vous en sollicite, les prieres de ces pauvres enfants pour Vous seront agréables à nôtre maitre suprême et sa grace Vous recompensera. Pardonnés ma hardiesse de Vous être à charge par une priere de ce genre, considerés seulement que c’est le sort des ames grandes et généreuses d’être attaquées de tous cotés de la multitude qui implore leur sécours. Au reste Monsieur soutenés moi aussi en avénir Vos bonnes graces et soyés persuadé que rien n’égale à l’estime et à la vénération sublime avec laquelle j’ai l’honneur de me nommer Monsieur Vôtre très humble et très obeissant Serviteur

Charles Henri Titius
Docteur en Médecine et Inspecteur du Cabinet de
l’histoire naturelle de S.A.E   de Saxe (?)
Endorsed: Charles Henri Titius Dresde 3 Juillet 1783.
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