— Guiard to — Fontenau (unpublished)
Le Mans 18 Xbre. 1784. aussitôt votre lettre reçue
Monsieur,

J’ai tout le Respect possible pour M. l’abbé Paillé et Je serai toujours prêt à lui temoigner mon zéle et mon parfait Devouëment; Je n’ai pas eu l’honneur de le voir et on ne sçait quand il sera de retour d’un Voyage qu’il fait dans un Caton du Diocèse. Seroit’il nécessaire de vous parler de la parfaite et respectueuse Obéissance que Je me trouverois glorieux de prouver à son Eminence Monseigneur le Cardinal, et de la haute Estime que Je dois à Mr. son Neveu, comme ayant le Bonheur de lui appartenir; pour vous convaincre du Désir que J’ai d’opérer votre Guerison ? Soyez bien persuadé qu’il me suffit que vous soyez homme et moi aussi, pour que Je connoisse les obligations que nous avons reciproquement de soulager l’humanité souffrante.

Je puis vous affirmer que vous n’avez qu’à vous regarder comme bien voisin de votre Guérison; oui, vous le serez dans un mois au plus à partir du 1er. Jour de votre Traitement. Vous avez bien fait de me parler de votre bon Temperament; et vous jouirez du grand avantage que ressentent ceux qui ont eû la prudence de ne pas se livrer aux Excès.

Puisque le Chirurgien a trouvé votre Pierre avec la Sonde, elle n’est ni enquistée, n’y incrustée, le Reméde l’atteindra, la dissoudra, et elle passera peu à peu reduite en Debris; c’est-à dire en petits graviers, Glaires et limons, le tout mêlé avec les Urines; il sera aisé de reconnoitre ces Debris en laissant deposer toutes vos Urines dans des Vases lucides; ou grands Gobelets de Cristal ou de Verre; après le Depôt de chacune, on repend doucement le Clair de l’Urine, on reserre le fond, on le met sur des ardoises, on laisse désecher et avec un microscope on s’assure de la qualité du Sediment. On continue ainsi jusqu’à ce que les Urines soient devenues belles et à leur Etat naturel, ce qui annonce la Guerison, ainsi que la Cessation du mal, le Sommeil tranquille et la Gaÿté dont vous jouirez. Pendant tout le Temps du Traitement vous pouvez vaquer à celles de vos occupations qui ne sont pas fatigantes, et abandonner les autres, ainsi que tout Voyage soit de cheval soit en Voiture.

Les Médecins ou Chirurgiens qui vous ont gouverné le faisoient avec autant de lumieres que de Prudence; et Je regrette pour vous que vous ayez suivi le Conseil du Md. d’oignons. Monseigneur de Grimaldi qui aura toujours part à mon Estime la plus respectueuse; vous avoit aussi enseigné un tres bon Remede, la médecine n’en connoit pas de plus calmant, mais il est toutesfois insuffisant pour dissoudre la pierre formée, il ne peut que faire évacuer les Sables et Glaires à fur et à mésure qu’elles se forment.

Cette cruelle maladie prend son Principe dans la Digestion, et l’humeur qui doit former la Glaire étant d’Espéce gluante, trouve en passant dans les Rognons, de petites Cellules, s’y loge, s’y épaissit, s’y durcit par la chaleur naturelle; une autre glaire s’y joint, y adhére, en grossit le Volume, une troisieme fait de même etc.; Jusqu’à ce qu’enfin elle s’en detache pour tomber dans la Vessie; mais il faut pour cela que l’uretre se dilate à proportion du Volume du Gravier ou de la petite pierre qui doit passer, ce qui cause les Cruelles Douleurs qu’on éprouve dans ces tristes Moments. Toutes les Glaires ne sejournent pas dans les Reins, il en passe une Quantité qui en tombant dans la Vaissie adherent aux graviers qui s’y trouvent, les reunit plusieurs ensemble, en augmente le Volume, ce qui forme ce qu’on appelle le Calcul humain, qui se grossit plus ou moins et suivant que le Temperament est porté à faire plus ou moins de glaires, et se durcit aussi à proportion de la chaleur du graveleux.

Il est donc question d’attaquer ce redoutable ennemi dans tous ses forts, de le poursuivre dans tous ses Retranchements, de le combattre, de le vaincre, de le détruire. La Physique, La Chimie, la Medecine sont enfin parvenues à cet heureux degré de Connoissance; on a decouvert différentes Proprietés de l’air fixe, entre autres celles de dissoudre les Pierres calcaires; on l’a appliqué au calcul humain; on a vû avec autant d’étonnement que d’admiration ses Effets prompts et satisfaisants, même au delà de ce qu’on pouvoit espérer. Un Docteur Anglois, le Célèbre Nathaniel Hulme, a été assez heureux pour en faire le premier l’heureuse Expérience sur un Domestique de soixante treize ans; J’ai l’repétée avec tout le Succes en 1760, sur un Bordager de 50 à 60 ans, au mois d’Août et 7bre., et enfin depuis Août 1784 c.a.d. cette Année plus de cent fois et toujours avec Satisfaction; Je crois que c’en est assez pour vous dire, Monsieur, vous serez gueri. Pour y parvenir vous aurez donc l’attention de prendre le Sel alkali fixe de Tartre et l’Esprit de Vitriol foible à des heures marquées; vous ne ferez qu’autant de repas que vous voudrez et suivant votre usage. mais vous observerez de laisser au moins deux heures de Distance entre chaque Dose du Remede et vos Repas, afin de ne pas interrompre l’Effet du Reméde. Aulieu de prendre le sel alkali un jour et l’Esprit de vitriol l’autre, vous prendrez l’un et l’autre quatre fois par Jour, et ne laisserez au plus qu’un quart d’heure de distance entre les deux Remedes. Vous continuerez ainsi jusqu’à Guérison, en observant encore de suivre l’augmentation des doses de l’une et de l’autre Drogue dès le 13 ou 14eme. Jour jusqu’à la fin. Je vous exhorte à appeller votre medecin ou Chirurgien pour presider à votre Traitement; il est ou il sont habiles, votre Lettre me l’a prouvé.

Je vous prie de me recrire et de me marquer avec attention ce qui se sera passé chaque Jour; c’est toujours pour vous que Je le demande, et Je sçais que j’aurai choses interessantes à vous marquer suivant l’Etat où vous vous trouverez. comptez sur moi et ne m’épargnez pas; Je n’ai pas de plus grand plaisir que celui d’être utile; Je suis l’ami de l’humanité, c’est le surnom glorieux qu’on m’a donné et Je suis jaloux de le meriter; J’ai soustrait à la cruelle opération de la lithotomie, et peut être à la mort plus de deux cents personne qui m’appellent leur Pere, et Je le suis aussi, Je les porte tous dans mon coeur. Vous serez du Nombre, vous augmenterez ma Joie qui redoublera par la Persuasion où Je suis de votre Probité et de votre Merite; votre attachement au Service de la Famille et ensuite à la Personne de son Eminence; graces qui ne sont accordées par des Seigneurs de si haute Naissance et de si haut Rang, qu’a des officiers bien connus.

Comme vous marquez que c’est par l’ordre de Son Eminence que vous m’avez écrit; et que sans doute vous l’informerez de ma Reponse, Je vous prie de lui présenter les assurances de ma tres respectueuse obeissance; et en cela vous obligerez celui qui est avec un zélé devouement Monsieur, Votre très tres humble et tres obeissant Serviteur

(signé) Guiard Ptre. l’un des
quatre Vicaires ou grand
Chapelain du Chapitre Royal
de St. Pierre de la Cour du Mans
à Mr. Fonteneau Mtre. d’Hotel / de Mgr. le Cardinal de la Rochefoucauld / Archeveque de Rouen.
Notation: [referring to addressee] who was afflicted with the Stone.
Remede contre la Pierre et la Gravelle,
avec la maniere de l’administrer, trouvé par les Physiciens et mis en usage par le Dr. Nathaniel Hulme, du College Royal de Medecine de Londres. Journal de Physique de l’abbé Rozier, Juillet 1777. Ce Remede est le Sel alkali fixe de Tartre, et l’Esprit de Vitriol foible. On prend l’un et l’autre alternativement, et comme on va le dire. Le 1er. Jour on donne au Malade 60 Grains de Sel alkali fixe de tartre; savoir au Matin à 5 heures, 15 Grains; à 10 heures 15 Grains; à 3 heures 15 Grains; et enfin à huit heures 15 Grains. On étend chaque dose dans trois onces d’eau commune, ce qui fait environ Six Cuillerées; on mêle bien le tout ensemble et on l’avale ensuite toujours à froid. Le second jour, on étend de mème 20 gouttes d’Esprit de Vitriol foible dans trois onces d’eau commune toujours à froid, et on la fait avaler au Malade à 5 heures du Matin; on lui en donne 20 autres Gouttes à 10 heures, et ainsi des deux autres Prises aux heures reglées ce qui fait 80 Gouttes. Le troisieme Jour on reprend du sel alkali fixe 60 Grains. Le quatrieme Jour d’Esprit de Vitriol foible 80 Gouttes, on continue ainsi jusqu’au douzieme Jour inclusivement. Comme la Pierre ou le Calcul humain, est plus dure au milieu ou au Noyau, qu’à la Circonférence; le troisieme Jour aulieu de quinze Grains de Sel alkali fixe, on en fait alors dissoudre 20 Grains dans Sept Cuillerées d’eau commune pour chaque dose, et le quatorzieme on étend aussi dans 7. Cuillerées d’eau commune 25 gouttes d’Esprit de Vitriol pour chaque Prise; ce que l’on continue de faire ainsi alternativement de Jour à autre jusqu’au vingt quatrieme Jour inclusivement. Pendant tout ce temps le Malade doit s’arranger de façon à prendre ses Repas à des heures marquées; savoir le dejeuner à sept heures, le diner à midi, le gouter à 5 heures, et le Souper à 10 heures; tout ceci afin de donner aux Remedes le temps de passer et de produire leur Effet. Quant au Gouvernement, il n’a rien de particulier, si ce n’est que le Malade doit s’abstenir de Ragoûts, de Fruits, de Salades Crues et généralement de toute Nourriture pésante et d’une mauvaise Digestion; il doit également avoir soin de ne pas prendre trop de Boisson; deux Verrées de bon Vin blanc et trempé dans deux autres verrées d’eau commune, ou de Tisane, ce qui fait quatre Verrées pour les grands Repas qui doivent lui suffire; ainsi que deux Verrées pour les petits Repas. Le Vin blanc est préferable au Rouge étant plus apéritif.
Recette de la Tisanne dont le Malade pourra user.
Elle sera composée d’une bonne pincée de Racine d’arrête boeuf, autant de Racine de houx frenelon, de Parietaires une Pincée, de Graine ou Semence de Lin bien nette et bien moulée, deux Cuillerées à bouche; on fera bouillir le tout en trois Chopines d’eau commune pendant dix ou douze minutes, avec autant de Reglisse qu’il sera necessaire pour la rendre douce. plus un gros de graine de Genievre, autant de Pointes de Bruyere et demi gros de Graines de Carottes Sauvages. Le Malade boira de cette Tisane entre les Repas, mais il ne le fera qu’une bonne heure après avoir pris les Remedes, parcequ’autrement il en affoibliroit l’Effet.
Vin composé pour empecher le Retour de la Pierre ou de la Gravelle.
mettez vingt livres de Cerises aigres dans Cent cinquante Pintes de Vin blanc. Otez les queues et les Noyaux, cassez en les Noyaux et les mettez aussi dans le quart; laissez infuser un bon mois; et buvez en à l’ordinaire: que le Tonneau soit bien bouché. Ce vin qui est d’une Couleur et d’un goût agréable par sa qualité rafraichissante, et aperitive, tempere les Reins, vuide les Sablons, les Glaires et les petites Pierres: ainsi il est très propre pour la Gravelle. Comme dans toutes les Maladies il y a différents Degrés du plus au moins, et que leur Traitement est different; de même la Maladie occasionnée par la pierre, et par les Graviers, étant plus ou moins considérable, elle demande un Traitement qu’y soit proportionné; or pour connoitre le Temps où il faut cesser de prendre le Remede indiqué, il faut avec grande attention consulter les Urines du Malade: tant qu’elles seront chargées d’une Espéce de Limon, et qu’il se trouvera des graviers au fond du Depôt, il faut continuer de prendre le Reméde, et on s’en abstient quand les Urines sont devenues dans l’Etat où elles doivent être naturellement. On peut supposer à cette Maladie quatre Degrés, et indiquer pareillement quatre Termes pour le Traitement. D’après cela le Malade, soit pierreux soit seulement graveleux, ayant une fois commencé a prendre les Remédes, doit les continuer jusqu’à ce qu’il apperçoive que ses Urines soient devenues belles, ou du moins jusqu’à ce qu’elles cessent d’être chargées de Limon et de Graviers; ce qui doit arriver au plus tard, après le 24e. Jour du Traitement. Or, en partageant ce Traitement de 24 Jours en quatre parties inégales d’un quatrieme chacune, on trouvera une partie de 6, une de 12, une de 18; et enfin la derniere de vingt quatre. Ce sera alors à chacun des malades de consulter ses Urines et de voir s’il a bésoin de plus de 6 Jours de Traitement, et d’en entreprendre un de douze, ou un de dix huit; prenant toujours quatre doses du Remede suivant l’alternative que nous avons marquée.
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