William Temple Franklin to Louis-Guillaume Le Veillard (unpublished)
Philadelphia le 12. Oct. 1786
Mon cher Ami,

Je n’ai recue votre Lettre et celle de M. Le Roy du 21. Avril, que le 16 Aout, deux Jours après vous avoir envoyéz la mienne du 14 Aout. Depuis vos Lettres du 15 et du 23 May me sont parvenues ainsi que les Arbres fruitiers, la graine de Luzerne, les Souliers et le Livre de M. Huet. Pour lesquels Je vous fait un millions de Remerciements et autant d’Excuses pour toutes les peines que ces Commissions vous ont causées. Pour ce M. Mazzars, Je suis fort en colere contre lui, et il en sentira l’Effect meme de si loign. Ce M. La Caze est un fort gallant homme, mais un peu etourdi—il ne m’a pas trop bien expliqué pourquoi il ne m’avoit pas emené le Chien et il a eu l’Addresse de laisser a L’Orient des Lettres et une Boiette pour le Jeune Chaumont, qui n’en a plus entendu parler malgré l’arrivé depuis de plusieurs Vaisseaux de France.

Les Arbres sont arrivés presque tous morts et pouris. J’en ai eu le plus grand soin de ceux qui avoient la plus petite Apparence de Vie et quelques unes de ceux cy sont actuelment en feuilles; Je ne puis vous dire exactement ce qu’ils sont, attendu qu’il n’y avoit point de Liste envoyée et que les Numeros etoient tous detachés des Arbres. Les poiriers sont ce qui a le mieux ressucités—il y en a aussi 3 ou 4 Pieds de Vigne et autant de pêcher: mais la plus part même de celles qui sont en vie ne pousse que de la Racine et non de la partie Greffé, c’est pourquoi Je crains que Je n’en aurai que du fruit commun. Dites Je vous prie toutes ces detailles a ce M. Williams et, en le payant, tachez qu’il me fasse une autre envoye d’Abricots peches etc. par dessus le marché. Il faudroit alors les envoyer dans l’Autun ou l’hyver afin qu’ils arrivent pour etre transplanté au Printemps. A legard des Chevreuils Je suis veritablement honteux de tout l’embarras que cette Commission vous a occasioné ainsi qu’a M. Le Roy, et Je vous prie de la laisser entierement de coté, si vous eprouvé la moindre Difficulté a l’avenir. Faites de meme de toutes celles que Je vous ai données ou que Je vous donnerai a lavenir, dont voici une. C’est de m’envoyer une Livre intitulé “Recherches sur la Construction la plus avantageuse des Digues”, par Messieurs Bossut et Vialet in 4º que Je vois annoncé dans le Catalogue de Cellot que vous m’avez envoyez. Je suppose que c’est le meilleur Ouvrage sur ce Sujet—si il n’etoit pas, vous m’enverrez le plus estimé. A l’egard des Livres D’Architecture Je n’en veux plus a moins que ce soit celui que Je vous ai demandé—ou d’autres dans le meme Genre; c’est a dire, qui contient des Plans de Maisons batis depuis 30 Ans a Paris. J’ai deja un bon Ouvrage sur l’Architecture Ancienne. Je crois vous avoir deja demandé (ou à M. Grand) l’ouvrage de M. Parmentier “sur le Mais ou Blé de Turquie consideré sous tous ses Rapports”. Si Je ne l’ai pas fait, Je vous prie aussi de me le faire parvenir, ainsi que les 2 livres suivans, scavoir,

1. Manuel du Voyageur en Italie 2 Parties in 16 chez Lamy

2. Description des Machines electriques a Taffetas par M. Rouland, chez l’auteur. Joignez y aussi Le Portrait du Prince de Brunswick Lunebourg, gravé par Charles Schroder, chez l’Auteur petit hotel de Luxembourg Rue de Tournon.

Ces sortes de Commissions ne vous donneront pas J’espere beaucoup de peine vous n’aurez que faire mettre tout cela dans une Boiette, et l’envoyer au Havre ou a l’Orient pour partir par le premier Batiment pour Philadelphie. Mais avant de l’expedier addressez vous s.v.p. a M. Jefferson pour savoir s’il n’auroit pas quelque occasion particulier, par lequel il pourroit me le faire parvenir.

Je suis réellement peiné de ce que vous me marqué de la Famille Brillon. Ce pauvre M. Brillon! Etre obligé de quitter Passy pour plaire a Messieurs ses Gendres. Voila ce que c’est que de ne penser a la Fortune dans l’Etablissement de ses Enfants—et non au Bonheur. En verité mon Ami, les Gens raisonables sont quelquefois bien deraisonables. Ces Mariages ont tourné la Tête au Pere a la Mere et aux Enfants. Ils ne sont plus aussi aimables ni aussi heureux qu’ils etoient. Toutes nos Fautes, comme vous disiez, vient de notre Imagination. Cette Famille s’est imaginée que le Bonheur consistoit dans le Faste. Oh! qu’ils se sont trompés! Non, mon Ami, nous n’acheterons pas la Maison a Passy—mais nous voudrions bien passer notre Vie avec vous et les votres. Venez nous voir, et si vous etes content de notre Pays, defaite vous de votre Proprieté en France et amenez nous toute votre Famille. Votre Fortune et votre Famille augmenteront ici du Double.

Je ne puis cepandant dire beaucoup a l’avantage de nos Affaires politiques. Elles ne sont pas en meilleur train que lorsque Je vous en ai parlé dans une de mes dernieres Lettres. Les Parties dans cet Etat existent toujours, et il y en a dans presque tous les autres. Le Congrès est toujours sans pouvoir et sans Argent. Les Gens sensés voient tout cela—mais avec trop de Calme. Ils devoient ce me semble se meler un peu plus des Affaires Publiques quand meme ils negli[ge]roient par là leurs Affaires propres. Mais il n’y a pas assez d’honneur ou de Profit a gagner en servant le Pays, pour se tourmenter pour son Interet, et peutetre deplaire a la fin. Ceci ne presente pas un aspect bien agreable mais Je puis vous assurer que le gros du Peuple sont heureux et qu’il n’y a nulle par[t] de la misere. Notre Situation n’est affligeante que pour ceux qui pensent combien elle pourroit etre perfectionée s’il existoit la meme Energie pour soutenir la Confédération, qu’il y avoit pour gagner l’Independance. Au reste mon Ami Je n’ai nulle doute que cela n’arrive: mais dans ce Pays cy nous ne sommes pas Gens a Précaution nous ne prenons des Remedes que lorsque nous sommes bien malades.

Je suis bien aise d’apprendre que M. votre beau Frere est de Retour et J’espere qu’il sera Recompemse suivant son merite: faites lui Je vous prie mes Compliments. Je ne sçais s’il se rapelle que J’ai eu l’honneur de le voir chez vous.

La Santé de mon Ayeul est infiniement meilleur depuis quelque tems, il ne sçait a quoi l’attribuer si ce n’est a l’Eau impregné d’air fixe dont il en boit considerablement. Il ne croit pas etre quitte de sa Pierre, mais il en souffre moins et marche avec plus d’aisance.

A propos vous m’aurez peutetre cru un grand fanfaron par ma derniere Lettre—ou Je vous marque les demarches que J’ai faites pour votre election dans la societe Philosophique. Mais en verité Je ne sçavois pas que vous aviez priez mon Ayeul de vous mettre sur les Rangs—et il m’a assuré dernierement qu’il l’avoit entierement oublié—jusqu’a ce que votre derniere Lettre est arrivée. J’espere que vous ne vous plaindrez pas que cette Lettre est trop Courte—et vous voyez que vous avez tort de m’accuser de negligence a vous ecrire: car souvent vous me reprocher mon Silence au commencement de vos Lettres et a la fin vous m’accuser la reception d’une Lettre. Soyez persuadé que Je laisserai echaper le moins D’occasion possibles quand meme Je ne vous donnerez que la Nouvelle de notre existence. Adieu mon Cher Ami aimez moi toujours. Je vous suis attache a Jamais

W.T.F.

Mille et mille Amities a toute votre Famille. Mademoiselle votre Fille est elle marié? Que fait mon Ami votre Fils? Est il a Paris? Donnez moi aussi des Nouvelles de la Maison Dailly a qui Je vous prie de faire tous mes Compliments, ainsi qu’a la Famille Chaumont, M. Le Curé etc.
Recu le 24 Janv. 1787.
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