Franklin and Le Roy: Report on Lightning Rods at Strasbourg (unpublished)
12 may 1780

L’Académie nous a chargé M. Franklin et moi, d’examiner un memoire, sur la manière d’armer d’un conducteur, la Tour et les autres parties de la cathédrale de Strasbourg, dont l’auteur est M. Barbier de Tinan commissaire des guerres; il est avantageusement connu de la compagnie par La traduction des Mémoires de M. Toaldo sur les conducteurs de la foudre.

Nous allons rendre compte à L’Académie de ce memoire, avec l’étendue et le Soin que demande un objet de cette Importance; La tour de la cathédrale de Strasbourg étant renommée par sa hauteur et par la délicatesse de son travail, et enfin cette tour étant l’édifice le plus élevé que l’on ait encore pensé à armer d’un conducteur.

Mais avant d’entrer dans les details necessaires à ce sujet il faut faire connoitre la situation de la ville de Strasbourg, relativement à ses environs, et donner une Idée de la forme et de la construction de la tour de sa cathédrale.

Strasbourg est placé, au milieu d’une plaine à peu pres è égale distance des montagnes noires, et de celles des Vosges, et à plus de quatre lieues de la naissance de ces montagnes. On ne trouve dans l’espace qui est entre deux, que de petites collines trés peu élevées. Les orages qu’on observe dans cette ville viennent communément, des vosges; òu ils se forment du côté du Sud Ouest, d’où ils sont poussés sur la ville et la traverse en allant au Nord Est. Cependant il en vient aussi quelquefois du nord ouest, ou du Sud Est; et on a remarqué que ces derniers étoient même les plus dangereux. La Tour de la cathédrale, qui à 500 de hauteur, domine sur la plaine et sur tous les edifices de la ville; il n’est pas étonnant en conséquence que la foudre y tombe beaucoup plus souvent que sur ces édifices. Quelquefois elle n’y cause que peu de dommages, souvent aussi elle y en fait de considérables. En 1759, par exemple, elle y fit de si grands dégats, qu’il en couta plus de cent mille écus pour les réparer.

Cette tour ne commence, à proprement parler, que de ce qu’on appelle la platte forme, comme on peut le voir dans la Gravure qui la represente. Cette platte forme se trouve au dessus des trois divisions, qui forment en quelque façon Le Portail de ce grand édifice. La tour est composée de trois parties, La premiere qui est carrée et d’egale Largeur de haut en bas, repose sur la platte forme. Elle est flanquée à chacun de ses angles, d’une tourrelle à jour, qui contient un escalier en escargot, pour monter jusqu’au haut de cette partie; La Seconde qui est octogonale, s’eleve au dessus de la premiere en forme Pyramidale; elle est composée de huit petits escaliers à jour aussi, et en escargot, comme ceux de la premiere, et qui forment huit rangées de petites tourrelles; Enfin la troisieme, au dessus de celle cy, comprend une petite partie entre la pyramide et la couronne; elle même couronne, la lanterne et la croix, surmontée par une pierre octogone, qu’on appelle le bouton de la tour et qui termine la tour (voyez la gravure). Or il faut savoir que cette tour est toute de Pierres, liées par une énorme quantité de fer, et qu’étant à jours dans toute sa hauteur, comme nous l’avons dit, ces jours sont coupés par des barres de fer perpendiculaires, et transversales, qui sont presque de niveau avec la pierre dans tous les plans—exterieurs—des faces de la tour; L’outre ces barres visibles, Les Pierres sont encore réunies par des crampons intérieurs; Enfin que ces barres et ces crampons aboutissent de tous côtés dans la Pierre et forment ainsi par leur ensemble une Suite considérable de petits conducteurs de fer isolés et séparés les uns des autres.

On concevra facilement, en conséquence, les ravages que doit faire la foudre, lorsqu’elle tombe sur cette tour, par l’explosion de la matière fulminante, dans tant d’endroits, où son passage, et son mouvement sont arretés.

Après ces préliminaires qui étoient nécessaires, il faut en venir au mémoire de M. Barbier.

Deux points sont essentiels à considerer dans l’établissement d’un conducteur, pour preserver un edifice de la Foundre; la manière dont il se termine dans l’air et celle dont les barres de communication sont disposées pour transmettre la matière fulminante jusqu’en bas.

Nous allons éxaminer le mémoire de M. Barbier relativement à ces deux points.

Il n’y a plus de difficultés aujourdhui parmi les Physiciens, les plus instruits de ces matieres, sur la forme des conducteurs. En vain M. Wilson a-t-il voulu, par ses exoepriences équivoques, donner des craintes sur les conducteurs formés en pointe; le comitté de la Société Royale de Londres a declaré, qu’il n’y avoit rien à changer à cet égard à ceux des magazins de Purfleet, et on sait, que ces conducteurs sont terminés par des pointes fort aiguës.

M. Barbier n’a pas manqué de préférer cette forme. Il se propose en conséquence d’établir sur la pierre octogone ou le bouton de la tour qui termine tout l’edifice une pointe de fer de cinq à six pieds de hauteur, aussi aiguë qu’il sera possible, et bien dorée, pour qu’elle ne soit pas alterée par l’action de l’air (voyez la Gravure). Il suppose qu’on pourra arranger les parties qui serviront à la maintenir sur cette pierre d’une maniére qui pourra former une décoration agréable, ce qui est très possible.

Ce point une fois décidé, reste le second, c’est à dire, la manière de transmettre du haut en bas de la tour, la matiere fulminante. Or pour bien remplir ce point, il se trouve ici beaucoup plus de difficultés, que dans les edifices ordinaires par la forme de la tour, par sa grande hauteur, et surtout par la quantité de fer qui entre dans sa construction, comme nous venons de le faire observer, car il est important d’empêcher que ce fer ne soit atteint de la matière fulminante, par les funestes effets, qui pourroient en résulter.

M. Barnier s’est appliqué a disposer cette partie de son conducteur, de manière à prevenir ces effets; et guidé, par le principe, qu’en pareille cas, il vaut mieux pécher par excès de précaution que par défaut, on peut dire qu’il l’a portée jusqu’au scrupule.

La pointe étant solidement etablie sur le bouton de la tour, on doit pratiquer au bas de la pierre qui la soutiendra deux oreilles, auxquelles on attachera respectivement, une tringle de fer de dix à douze lignes de diamètre. Chacune de ces tringles descendra extérieurement en passant, par dessus un des bras de la croix, l’une par dessus celui, qui est au Sud Ouest; l’autre par dessus celui qui est au Nord Est. On a préféré de les faire passer de ces deux côtés à cause que ce sont ceux, particulierement le premier, d’où viennent en général les orages. Les tringles doivent passer ensuite, en descendant, par dessus la lanterne et la couronne, chacune respectivement de son côté, et se joindre à un collier des mêmes tringles qu’on établira au bas de la partie qui se trouve entre cette couronne et le sommet de la pyramide octogone.

De ce collier partiront quatre tringles de six lignes de Diamètre comme toutes celles dont il sera question dans la suite, qui descendront extèrieurement chacune dans les intervalles (que laissent entre elles les rangées de petits escaliers de la pyramide), et qui répondent aux quatre tourrelles audessous. Ces tringles se replieront ensuite, pour se jetter en dehors, et descendre extèrieurement le long de la partie la plus saillante de ces tourelles appartenantes à la partie carrée de la tour qui repose sur la platteforme.

Comme il y a plus de 150 pieds de la croix jusqu’au haut des tourrelles, M. Barbier se propose d’établir audessus de chacune et à leurs angles extérieurs, des pointes qu’on peut appeller secondaires, de cinq ou six pieds de long, terminées par une pointe de cuivre doré, et inclinées à l’horizon de 23 à 30 degrés. Ces pointes doivent communiquer par un contact (?) bien intime, avec les tringles descendantes. On voit que l’objet de ces pointes secondaires, est d’attirer la matiere fulminante, en cas qu’elle se porta dans l’intervalle, entre la croix et les tourrelles.

On doit en placer de même, et dans les mêmes vues, â chacun des angles de la platteforme, et elles doivent communiquer ensemble avec la même précision, par une tringle qui doit faire le tour de la platteforme des trois côtés, et avec laquelle on fera communiquer de même les quatre tringles qui descendent des tourrelles.

On fera partir de cette espece de collier, qui entourre une partie de la platteforme deux tringles, par les deux angles extèrieurs, jusqu’à une galerie qui regne tout au tour à un tiers, ou aux environs de la distance de la platte-forme, au sol de l’Eglise.

On établira encore aux quatre angles de cette galerie, quatre basses milinées (?), terminées en pointe. Ces basses, de même que les tringles descendantes, doivent communiquer bien exactement avec un collier qui environnera cette galerie exterieurement à la hauteur de la balustrade; enfin on fera une communication métallique ample, et bien intime de ce collier au cuivre dont le toit de la nef est recouvert. On attachera pour cet effet, les extremites de ce collier avec des vis, et des écroux ayant des rondelles de plomb interposees. La Tour de cette maniere, sera tout à fait armée, jusqu’à ce toit. Pour achever entierement le conducteur, il ne faut donc plus qu’établir une communication entre ceci et l’interieur de la terre. Voici comme M. Barbier y procéde.

On vient de voir que le toit de la nef (voyez la gravure) est couvert en cuivre; il se trouve contigu, avec une espece de coupole octogone recouverte aussi de metal, et qui se trouve audessus du milieu du Elle est entourée en bas d’une galerie de pierre, presqu’au niveau de laquelle se trouvent les sommets de trois toits, couverts pareillement de métal. M. Barbier établit une communication métallique bien intime de ces trois toits, avec le metal de la coupole. Cela étoit d’autant plus nécéssaire, que c’est par deux de ces toits, que doit se faire la communication avec l’intérieur de la terre; et que ces toits portent des especes de pyramides assez élevées qui sont recouvertes d’un métal continu avec celui dont ces toits sont couverts. Enfin que ces pyramides sont terminées par des pointes métalliques, très propres à attirer la foudre des nuages orageux, qui viendroient de l’Est: cette partie dominant tous les batimens de la ville qui se trouvent de ce cote là. Cette précaution paroit d’autant plus fondée, que ces parties ont été frappées de la foudre, plus d’une fois. Pour plus grande précaution M. Barbier propose d’armer ces différrentes pointes métalliques de pointes plus aiguës, et cette précaution est justement motivée par la grande distance, où cette partie de l’Eglise se trouve de la tour.

A quelques toises audessous des deux toits (voyez la gravure), qui recouvrent les deux entrées, et dans une direction qui leur est perpendiculaire, se trouve le toit de la chapelle de St. Laurent d’un côté, et celui d’une autre chapelle, vis à vis de l’Evéché. De chaque côté, descend d’un de ces toits, à l’autre, une gouttiere de plomb, pour la décharge des eaux dont les deux extremités se trouvent à une petite distance de chacun de ces toits. M. Barbier doit profiter de cette gouttiere pour en faire une communication en en reunissant les deux bouts aux deux toits; ce qui peut se faire de différrentes manières. Cependant voulant multiplier les communications, pour que l’une puisse suppléer à l’autre en cas d’accident, il propose encore de conduire intépendamment de cette gouttiere, une tringle de métal liée comme les précédentes.

Dans le bas côté de L’Eglise, près de l’angle de la chapelle, du côté de l’Evêché, se trouve un puits; c’est dans ce puits qu’il se propose de faire aboutir, ou descendre le conducteur. Pour cet effet il fera usage d’une gouttière de Plomb, qui descend du toit de la chapelle jusqu’en bas sur le terrein, en la réunissant au toit; comme la précédente il établira en même temps une tringle de fer, jusqu’en bas, afin d’établir une double communication. On réunira à terre ces deux conducteurs en les liant éxactement è une barre de fer d’un bon pouce de Diamètre qu’on conduira de la manière la plus commode, jusque dans le puits où elle descendra, et l’enfoncera d’un bon pied dans le sol du fonds de ce puits.

Cette communication avec l’eau pourroit patoître suffisante pour un edifice ordinaire; cependant vu la grande hauteur de la tour, et qu’elle peut être exposée par là à recevoir une plus grande masse de matiere fulminante, M. Barbier est d’avis de pratiquer encore du côté de la chapelle de St. Laurent (voyez la gravure), une communication pareille à la premiere, en faisant communiquer le toit de cette chapelle avec l’eau d’un puits; comme de l’autre côté cela paroit d’autant plus facile, qu’il y a eu là autrefois un puits qu’il ne faudroit que vuider.

Tels sont la disposition, et l’assemblage des diffèrrentes parties, qui doivent composer le conducteur, dont M. Barbier propose d’armer la Tour de la cathédrale de Strasbourg. Nous l’avons décrit éxactement, en le prenant depuis la pointe établie sur le bouton de la tour, jusqu’en bas à l’autre extrémité de l’Eglise et dans ce puits où ce conducteur doit se terminer. Pour ne point interrompre la description du conducteur nous n’avons point parlé de la maniere dont les tringles, qui le forment doivent être assemblées, cependant c’est, comme on sait, un article important; il faut donc la faire connoitre, et dire comment M. Barbier se proposent de faire la jonction de ces tringles.

On applatira chacune de leurs extremites (voyez en les dessins à côté de la gravure de la tour) et celle de la partie du collier à laquelle on voudra joindre une de ces tringles, de maniere à en faire une plaque ronde, percée d’un trou de cinq à six lignes. On réunira deux de ces plaques, par une vis, et un écrou, à tête carrée, qu’on serrera fortement, par le moyen de deux clefs; et l’on interposera entre elles un anneau plat, ou une Rondelle de Plomb, d’une ligne ou deux d’épaisseur; ce qui en rendra le contact très intime. Il resultera même de cette maniere de joindre les tringles, un avantage; c’est la facilité de les oter et de les remettre dans l’occasion. Toutes ces tringles doivent être assujetties par des crampons qui seront placés et fixés dans tous les endroits nécessaires.

Par tout ce que nous venons d’exposer, de la construction du conducteur, dont M. Barbier propose d’armer la tour, et la cathédrale de Strasbourg, on voit qu’il a satisfait à tout ce qu’éxigent ces conducteurs pour remplir pleinement l’effet qu’on en attend.

Ce conducteur sera terminé en pointe, il y aura le contact le plus intime, entre les différrentes tringles dont il sera formé, et ces tringles formeront une ligne métallique bien continuë, depuis le Sommet de la tour jusqu’en bas, dans l’eau, au dessous du sol. Pour remédier au grand éloignement qui se trouve entre la pointe qui est au sommet, et les autres parties de l’edifice, il se propose d’établir de distance en distance, des pointes sécondaires, De manière qu’au moyen de ces pointes, qui se présenteront audehors aux différrens nuages, qui pourroient lancer leurs feux du côté de ces parties, on n’aura point à craindre qu’ils puissent aller frapper les barres de fer encastrées dans les pierres etc. On en sera encore plus assurré, si on établit plusieurs de ces pointes sur la pyramide octogone.

Nous ne pouvons de même nous empêcher de remarquer que les tringles descendantes au dessous de la platteforme, devroient avoir huit à neuf lignes de Diamètre, au lieu de six, comme le propose M. Barbier, parce qu’a cette hauteur, les quatre d’au dessus se trouvent reduites à deux; qu’il n’y a nul inconvenient à les faire d’un plus grand diametre et qu’il pourroit y en avoir à leur en donner un trop petit. Avant de finir cet exposé, nous ne devons pas oublier que M. Barbier fait une observation fort juste sur la manière dont on doit procéder dans l’établissement des conducteurs sur les edifices; c’est quil faut toujours commencer l’ouvrage par en bas; en montant successivement jusqu’en haut. En effet y ayant par là et des le premier instant une communication formée avec le sol, pour décharger la matiére fulminante que pourroient attirrer les parties de ces conducteurs deja établies, on n’en peut avoir rien à craindre.

Nous concluons de tout ce que nous venons de dire, que la maniere dont M. Barbier a dessein de construire le conducteur, dont il propose d’armer la tour de la cathédrale de Strasbourg est bien entenduë, et entierement conforme aux principes qui résultent de ce que les expériences, les observations, et la Théorie ont appris de plus constant sur ce Sujet. Qu’il est fort à souhaiter en conséquence, que son projet soit éxécuté, et qu’un edifice aussi élevé, aussi cueirux que la tour de Strasbourg, soit désormais preservé des ravages de la foudre, que l’histoire de cet édifice prouve qu’il a plusieurs fois essuyés; enfin que cette Tour armèe d’un conducteur deviendra un Exemple pour tout le Royaume; qui encouragera, peut être, un usage dont toutes les observations, qu’on a pu recueillir jusqu’ici, paroissent assurrer les avantages.

Nous ne pouvons à ce sujet nous empêcher de faire remarquer à L’Académie, le progrès que La Physique a fait en France depuis quinze ans. Car à cette Epoque, il y avoit si peu de personnes èclairées sur cette partie, qu’on parloit et qu’on écrivoit contre les conducteurs de la foudre comme s’ils etoient plus propres à l’attirrer sur un edifice, qu’à l’en preserver.

Fait dans L’Academie des Sciences le 12 May 1780

Le Roy
B Franklin
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