From — Mazue (unpublished)
de Marseille le 27 fevrier 1784
Monseigneur

Ma premiere du 24 mars dernier n’ayant pas merité votre attention, je vais faire parler a votre Excellence le premier des Arts, et une des plus riches, et des plus pretieuses productions.

La culture de la vigne est l’objet que je me propose suivant les relations que jai lues, on n’a pas peu venir a bout dans L’Amerique d’en tirer un jus potable, et de bonne qualité; parseque, comme je presume, les premiers essais de cette culture ont été confiés a des paisans appelles de l’Europe, qui n’ont apporté, chacun, que la methode de son païs dans un sol neuf qui en demande des nouvelles, et qui soient adaptées au climat.

J’espere que le ciel favorisera d’un heureux succès celle qui fait depuis longtems l’objet de mes reflexions. Un coteau sec, pieureux, et sobloneux qui se refuse a toute autre culture est le vrai terrein qui convient a la vigne, et cellui la seul que je demande, ce n’est pas la plantation que je puis faire, qui est ici a considerer; c’est que par imitation des immenses coteaux vont etre couverts de pampres au lieu de bois sauvages. Il suffit qu’on vienne a bout dans l’Amerique de receuillir un vin ordinaire tel qu’ en produisent la plupart des vignobles de l’Europe pour que cette culture se perpetue, s’etende par tout ce païs, et se perfectionne en occupant de plus en plus les esprits, et peut-etre que sur un sol aussi varié et aussi etendu ce païs fournira bientôt ses malvoisies, ses malagas, ses graves, ses bourgognes, ses constances etc. Cette nouvelle denrée dont la privation se fairoit tous les jours de plus en plus sentir a L’Amerique, ajoutée a la varieté de ses autres productions en faira un païs accompli.

J’y joindrai la culture de l’olivier presque aussi importante. L’acquisition de ces deux grands avantages ne couteront aux etats unis que quelques acres de terre que je ne puis payer que par le papier monoye du congrès dont j’ai eu l’honneur de parler a votre Excellence dans ma precedante parceque mes facultes sont bornées aux seules depenses necessaires pour les defricher. Mais mes succès compenseront ce petit sacrifice par la raison que ce fonds de terre sera un modelle, et un motif d’emulation. S’ils trompent mon attente je les remettrai entre les mains de qui je l’aurai reçu en conservant toujours pour ce bienfait les sentiments de la plus vive reconnoissance. Je suis avec le plus profond Respect Monseigneur de votre Excellence le très humble et très obeissant Serviteur

Mazue

Mon addresse est dans la maison du Sieur Lapierre negotiant rue des maçons au premier etage.
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