From Pierre du Calvet (unpublished)
Londres le 24e Septembre 1784 no. 9, Cannon-Street near general post office
Monsieur L’Ambassadeur,

J’apprends de Mr. lambert, Banquier à paris, que pour être payé de la dette dont les états unis me sont redevables, depuis la retraite de leurs généraux du canada, il ne me reste plus que la voie de m’addresser personnellement au Congrés par l’envoi des pièces originales qui la justifient. J’ai des idées trop relevées de la probité et de la justice de Mr. franklin, pour imaginer que ce soit là les dernièrës intentions de vôtre excellence. Il y a près d’un an, qu’après avoir reconnu hautement la justice de mes demandes, elle eut la bonté de me promettre solemnellement dans les deux audiances que j’eus avec lui à passy, d’envoyer elle même au Congrés les copies des comptes et des reconnoissances des généraux américains et d’en appuyer le payement de sa recommandation. L’honneur qui conduit toujours Mr. le docteur Franklin ne lui permit jamais d’appeller de ses promesses, surtout dans une conjoncture, ou les loix les plus sacrées réclameroint contre cet appel. En effet s’il me falloit solliciter moi meme mon payement auprés du congrés, vôtre excellence auroit crû devoir à sa veracité de me l’annoncer du premier coup, sans me faire perdre une année entière d’attente, pour me ruiner tout à fait. J’avois alors à philadelphie, un beau frere, qui y avoit cherché un azile, contre les violences du despotisme, regnant dans le canada, ou il est retourné depuis le printems dernier. J’apprends de source certaine, que le congrés à déjà payé plusieurs de ces dettes canadiennes, avec un intérest de six pour cent pour le délai souffert, je n’aurois pas été sans doute le dernier à être satisfait surtout quand il apprit par mon essai imprimé, dont j’eus l’honneur d’addresser le 20. juillet dernier un exemplaire de chacun de mes Memoires par deux differents Battiments à son respectable président avec un pareil nombre à Mr. le Gouverneur de Newyork, Que c’étoit pour le compte de l’amérique que la tirannie du général haldimand m’avoit si cruellement opprimé à quebec, circonstance qui semble faire à son honneur une loi de m’aider à en tirer une éclatante vengeance, au tribunal des loix. Cette vengeance légale me devient aujourd’hui impossible, s’il faut que j’en sois réduit à attendre l’effet de mes sollicitations auprès du congrés: qu’oique je sois encore possesseur en canada de domaines assés considérables, la confiance, la circulation des especes, le commerce en un mot, sont morts ici, et sur les meilleurs fonds, on ne trouve plus rien a londres; cependant le général l’haldimand est attendu incessamment dans cette capitale; je suis même informé quil se préparoit à partir de quebec, pour les êtats unis, dans la vüe d’aller y réclamer un héritage qui lui avoit été légué par un ami (cidevant le général Bouquet). Je manque l’occasion de le poursuivre, au moment de son arrivée, il ne tardera pas à s’echaper vers la Suisse sa patrie, et me voila ruiné, mais comment effectuer cette poursuite sans le remboursement d’une dette pour laquelle je me suis fondé sur la promesse formelle de Monsieur franklin. Ce ne seroient pas la les seuls inconveniens, qui resulteraient contre moi, d’être aujourd’hui renvoyé au congrés. Il me vient de bonne autorité qu’il a déjà nommé et député des commissaires pour aller en canada, examiner et régler les obligations, qu’il y a contractées dans la dernière guerre, par le canal des généraux. Leurs reconnaissances dont je suis muni sont à paris dans les mains de Mr. lambert. Il me faudroit les rétirer, les envoyer après en canada, et chercher après en Amérique une personne de confiance qui voulut se charger de mes intérests; et durant le tems que prendroient ces diverses operations, les commissaires pourroient finir leurs enquêtes en canada, avant que je pusse y faire parvenir les titres légaux de mes demandes, c’est à dire que par les délais occasionnés par la promesse de Mr. franklin, je serois aujourd’hui exposé à perdre la dette même, ce ne peuvent pas être là les intentions d’un ambassadeur, dont la personne à été jusqu’ici, encore moins récommandable, par la dignité de sa place, que par celle de sa droiture et de ses vertus. Le patriotisme de Mr. franklin ne s’accorderoit pas plus avec un tel événement. L’Amérique est l’ennemie déclarée des tirans, mais sur tout de ceux qui l’ont été à son occasion, et sa gloire est et sera toujours de s’intéresser à les faire punir. Son digne Ambassadeur ne peut qu’entrer dans de si nobles sentimens. La circonstance critique et cruellement critique ou je me trouve m’impose la nécessité d’emprunter aujourd’hui la médiation de toutes mes protections pour réussir à obtenir si non en totalité, du moins en bonne partie le payement de ma dette. C’est la raison qui m’oblige d’envoyer à Mr. le comte d’Adhémar une copie de cette lettre. Son Excellence Madame la Comtesse de Hagenack Ambassadrice de l’empire à la cour de londres, qui part sous peu de jours pour paris, à la récommandation de Mr. le comte de Gÿulaÿ, mon ami, et celui de Mr. son époux, veut bien avoir la bonté de se charger d’un autre autre copie, pour Mr. le comte de Vergennes. Toutes ces protections réunies, jointes aux sentimens justes et droits d’un Ambassadeur du caractère de Mr. franklin, ne peuvent que m’annoncer le succès complêt de mes demandes.

J’ai l’honneur d’être avec le respect le plus profond De Vôtre Excellence Le très hûmble et très ôbt. serviteur

Pierre du Calvet

Endorsed: Pierre du Calvet 24 Sept. 1784
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