From Madame — Deville (unpublished)
Monsieur,

Ne vous etonnez pas de ma demarche. Elle ne peut que faire l’eloge de votre coeur, puisque c’est a votre reputation que vous la devez. Daignez me lire avant de me juger. Une Personne, qui connoit votre facon de penser m’a conseillé pour la premiere fois de me jetter a vos pieds pour interesser votre humanité en ma faveur. Si une maladie de six mois ne me retenoit pas au lit j’aurois été moi même a implorer la grace que je demande a votre coeur bienfaisant. Je sais, que c’est a un Homme tres respectable qui fait la gloire de son Pays, et l’honneur de celui ci, et qui sera a jamais celebre, et immortel, que je dresse mes prieres. Daignerez vous, Monsieur, ecouter ces memes prieres qui sortant de la bouche de la femme la plus malheureuse, qui est toute en larmes pendant qu’elle vous ecrit pour le vif desire, qu’elle auroit de pouvoir toucher votre coeur, d’une femme enfin que vous avez peut etre vue dans le tems dans un etat brillant, et dans une aisance a exciter l’envie. Au nom de Dieu n’ajoutez a mes malheurs par une mefiance qu’on doit avoir dans ce Pays pour une foule d’imposteurs qui assiegent les Portes de Riches, et qui batissent des histoires pour exciter une bienfaisance dont il n’ont pas besoin. C’est cette meme femme qui implore aujourd’hui vos generosités pour subsister en m’achettant une bague a tête de vieillard caprice de la nature tres estime pour 4 Louis. Il faisoit partie de mon cabinet dans un tems plus heureux, mais a present [   ] servira a me tirer d’un lit ou je souffre depuis six mois. Si jamais la [bien]faisance a fait les delices de votre coeur, je vous presente une bonne occasion en m’accordant cette grace, ou du moins quelque soulagement. Tromperez vous, Monsieur, la belle opinion que j’ai de votre coeur? Meprisez vous les sentimens d’estime, de respect, et de reconnoissance que j’aurai toujours avec ma famille pour vous? Si vous êtes plain de gloire, serez vous insensible aux larmes d’une femme vraiment infortunée qui embrasse vos genoux, comme ceux d’un Pere charitable, et bienfaisant pour vous supplier pour tout ce qui vous interesse au monde, et pour cette reputation, qui doit vous etre si precieuse de ne rendre pas ma demarche inutile? J’attends avec la plus vive impatience mon arret. J’ai perdu assez de proces, Monsieur, et avec d’autres malheurs il m’ont plongé dans l’amere detresse ou je suis. Au nom de Dieu, ne soyez pas un juge inflexible. Jouissez, Monsieur, de la confiance extrême qu’une femme a dans votre coeur, et de benedictions qu’une famille entiere demandera au Ciel pour vous, et pour vos jours.

Le Commissionaire est sur, mais daignez, Monsieur,cachetter, ce que plaira a votre coeur de ma repondre.

J’ai l’honneur d’etre avec un tres-profond respect, de Monsieur, la tres-humble, et tresobeissante servante

deville

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