From Coulougnac & Cie. (unpublished)
Nantes le 3 fev. 1783
Exellence,

Un de nos interessés eut l’honneur en octobre dernier, de vous faire part de la creance que l’etat de Virginie a contracté envers nous, par l’entremise du Sr. Penet son agent. Vous eutes Exellence, la complaisance de luy donner une lettre de reccomandation, pour le gouverneur de cet etat; afin d’appuyer la justice de notre demande Nous vous supplions Exellence, d’en prendre une idée exacte, par le memoire cy inclus soumis a Votre examen. Dans l’attente du resultat de nos demarches dans le continent americain, ou l’un de nous va se rendre, et dans l’impossibilité de pouvoir soutenir plus longtemps l’ordre de nos payements, par ce defficit dans nos rentrées; nous avons recours a Votre Exellence, pour nous faire compter par le Sr Barclay nouvel agent de l’etat de Virginie, tous les montans, ou au moins bonne partie de notre creance sauf a luy produire nos titres, qui sont en regle. Votre Exellence en cela, consommera un acte de Justice et d’humanité en même temps, en acquittant une dette aussy legitime, et en conservant l’honneur d’une maison de commerce honneste, laquelle est prette a manquer [à] ses propres engagements, et a etre jettée dans l’infamie par un exés de confiance et de moderation envers cet etat.

Depuis quatre années notre Societé de commerce autant par enthousiasme, que par son industrie et son [ ] soutient la cause glorieuse de l’amerique, autant que ses facultés ont pû s’etendre; par des ventes a terme a tout americain; et nous nous trouvons exellence, dans l’instant même pour plus de quatre cent Milles Livres de dettes eparses, du nord au sud du continent americain, pour ventes de marchandises a Terme.

L’etat de Virginie vient de nommer Le Sr Barclay pour son agent en france, au lieu et place du Sr Penet, et cela sans pourvoir a notre remboursement! De quelle consideration seront en france de tels titres d’agents, si sans egards a la foy de leurs pouvoirs, ils manquent aux engagements qui en resultent; notre creance est a peu prés connüe dans touttes les villes de commerce; n’est-il pas raisonnable de croire, qu’aucun negociant n’osera courir les memes dangers, et traitter avec aucun agent?

Nous vous supplions Exellence, de nommer une commission, ou des arbitres, soit francais, soit americains, soit le sr Barclay luy même, pour depouiller nos titres de Creance; et d’apres leur examen et Verriffication, etre a même de nous payer un fort acompte, en attendant qu’on nous solde le capital. Votre Excellence ne fera que prevenir la Justice que nous avons lieu d’attendre de l’etat de Virginie luy meme, par ce procedé prealable; puisque ce payement doit nous etre fait en france, suivant les accords ecrits; et qu’il ne peut plus etre differé, sans un danger evident, de perdre notre etat et notre honneur.

D’aprés la consultation prise auprés de quelques jurisconsultes au parlement de Rennes, et sur le Vu de nos titres de creance, il a eté statué qu’ils etoient en bonne et düe forme, et que nous avions droit de faire saisir en france, touttes les proprietés de l’etat de Virginie notre vray debiteur, que nous pouvions former et exercer notre demande envers Le Sr Barclay son agent en france, et luy faire signiffier nos Sentences, et faire sequestrer les marchandises et effets qu’il a, ou peut recevoir du dit etat de Virginie? Mais cette demande répugne a notre caractere, elle seroit contradictoire avec notre conduitte anterieure envers l’etat, et nous prefferons luy donner une nouvelle preuve de menagemens et de défference, en soumettant a L’examen de Votre Exellence, notre droit, nos moyens, nos Griefs, et notre Situation; et de suspendre toutte demarche juridique, jusqu’a votre dècision sur notre juste demande.

Nous vous prions exellence de prendre cette lettre en consideration, et nous honorer d’une Reponse qui puisse calmer les peines cruelles que nous supportons, et que nous attendrons avec impatience.

Nous avons L’honneur d’etre avec respect, Exellence, Vos tres humbles et tres obeissants serviteurs

Coulougnac et Compagnie

Memoire
Au mois de decembre 1780 le sr Penet agent de l’etat de Virginie donna a Nantes aux Sieurs Coulougnac et Compagnie de Nantes, une commission de marchandises en draperies, pour luy etre livrées incessament, le memoire detaillé est signé par Le sr Penet, et il s’engage de recevoir et payer le montant en sa qualité d’agent de l’etat de Virginie, pour le compte de qui il traitte. Les Sieurs Coulougnac et Compagnie exigerent communication de ses titres et pouvoirs, et le Sr Penet leur en remmit copie düement legalisée en la chancellerie de Son Exellence Le Docteur Francklin; ces pouvoirs sont des plus etendus, et en termes les plus propres a inspirer toutte confiance, puisqu’aprés avoir loué la probité et les qualités du Sr Penet l’etat le nomme son agent dans le royaume de france et luy donne plein pouvoir de traitter, achetter tous effets et marchandises, et negocier touttes affaires etc. et pour l’execution et accomplissement des contrats, marchés et engagements (y est il dit) nous engageons la foy de la republique. Signé Thomas Jefferson gouverneur et chef majistrat de la republique de la Virginie. D’aprés cette communication de titres que la prudence des Sieurs Coulougnac et Compagnie exigeoit prealablement, leur confiance fut des plus etendüe, en proportion de leur fortune: ils livrerent au Sr Penet des
marchandises le 15. Janvier 1781 pour£45836.1.
et le 15. fev. suivant autres .....39952.13. 9
en 72 Balles ...£85788.14.9

Les factures sont payables pour le terme de l’année, et stipulées marchandises livrées au Sr Penet agent de Virginie, pour le compte du dit etat. Ces marchandises ont été embarquées par le Sr Penet en grande partie sur le Vaisseau le francklin arrivé a Philadelphie, et sur le vaisseau Le Duc de Linster pris par les anglois. Le Sr Penet fournit ses billets du montant en divers appoints payables dans Paris et stipulés aussy valeur reçeue en marchandises pour le compte de l’etat de Virginie. Ces Billets n’ont pas eté payés a l’echeance, et sont revenus protestés, le Sr Penet ne pouvant les rembourser les Srs Coulougnac et Compagnie obtinrent des sentences a la jurisdiction du consulat de Nantes, qui condamnent le Sr Penet tant en son nom que comme agent de l’etat de Virginie a payer les montants des billets protestés fraix et interets.

Les sieurs Coulougnac et Compagnie, contents de s’etre mis en regle vis a vis le sr Penet, attendoient patiamment l’effet de ses promesses et les retours qu’il disoit devoir recevoir incessament de la part de l’etat. Mais quelques uns de ses creanciers particulier l’ayant poursuivy rigoureusement et obtenu des Saisies, Le Sr Penet prit la fuite pour s’y soustraire.

C’est avec des titres aussy multipliés, et aussy authentiques, aprés s’etre livrés avec une confiance aussy noble qu’etendüe envers l’etat de Virginie, aprés une patience et des delays accordés pour menager le credit du Sr Penet, et l’honneur de L’etat de Virginie qu’il representoit; c’est enfin d’aprés une pareille conduitte de la part des Srs Coulougnac et Compagnie, qu’ils sont encore a attendre, que l’etat se libere envers eux, d’une dette si legitime, dont le retard leur cause le plus grand prejudice et ruine entierement leur commerce et leur credit. Nantes le 3 fevrier 1783.

Endorsed: Coulogniac et Co. 3. Fevrier 1783.
639134 = 038-u722.html