Ce seroit aussi temeraire qu’impardonable, de Vous oter par ces lettres quelques moments, dont Vous etes accoutumé, de les sacrifier aux affaires les plus importantes de Votre patrie: si je n’etois pas convaincu, que Vous eties, non seulement Vous meme, home des grandes etudes, mais que Vous en eties aussi bien le vrai protecteur: ou que j’esperois de pouvoir peutetre trouver l’occasion a l’avenir, d’etre un instrument, pour augmenter par les etudes, le bonheur de nombre de citoiens de ces heureux Etats de Nord Amerique, dont Vous aves lhonneur, d’etre le premier Ambassadeur en Europe. Il y a dans ces environs, une societé de 5 ou 8 persones, toutes Allemands et gens des lettres, pour la plupart placés dans des emplois publics, entre lesquelles je suis aussi moi meme, des Philosophes, jurisconsultes, Theologiens, et Mathematiciens, qui entendent bien toutes les langues, qui sont aujourd’hui necessaires a des gens des lettres, et qui souhaitent touts avec moi devenir aussitot qu’il sera possible des citoiens de Vos Etats heureux et independants. Pour parvenir a notre dessein, nous nous somes resolu Monsieur, de Vous faire la proposition suivante, avec les tres humbles prieres d’en vouloir bien doner avis, au très haut Congrès de la Nord Amerique, ou, a ce que Vous le trouverer bon, a l’assemblé general de la Province de Pensilvanie, ou de quelque autre, et de nous en procurer Leurs resolutions, et d’appuyer nos desseins par Votre protection. Sitot que nous pourrons esperer le soutien necessaire, et le remboursement des frais de notre voyage, nous nous rendrons le printems qui viendra, au lieu destiné par la haute assemblee generale de l’une ou de l’autre des Provinces unies, pour y etablir sous Leurs protection, un college d’education pour des jeunes gens de toute sorte de religion, qui sera compose de plusieurs classes, destiné au comencement principalement aux Allmands, jusqu’ace que nous serons asses instruits dans la langue angloise, pour aussi pouvoir doner des leçons a ceux qui ne parlent point la latine, françoise, ou allemande. Dans ce college nous instruirons les jeunes gens selon le besoin de chaqun, et la volonté de leurs parens, dans la latinité, la langue ebraique, grecque, francoise et allemande, dans toutes les parties de la Philosophie, sçavoir la Logique Metaphysique, le droit de la nature et des gens, la Morale, non excepté la Mathematique avec la fortification, la Physique, les sciences de la geographie, de l’histoire anciene et moderne, des belles lettres, meme de la Medicine et de la chirurgie, parceque il y aura aussi entrenous un medecin et chrurgien bien experimenté. Nous prendrons des jeunes gens de toute sorte de Religion, et leurs ferons enseigner, les principes de ses eglises, par des gens de leur partie. Mais pour pouvoir obtenir cela, il nous faudra-t-etre placés dans une capitale, pour avoir de l’occasion de procurer cette derniere partie d’instruction aux eleves. Au reste, pour ne pas moins former l’exte[rieur] des jeunes gens, et pour avoir soin pour la durée de leurs santé et les exercices de leurs corps, nous prendrons aussi les mesures les plus convenables, pour leur doner l’ocasion du manege, de la salle d’armes et de danse. etc. L’occasion pour avoir formé ces dessins nous fut doné par une certaine piece allemande, dans la quelle on assuroit, que les etats unies de la Nord Amerique prendroint entre autre beaucoup de soin, pour faire relever les sciences et les etudes, et qu’ils voudroint etablir encore plusiers colleges et academies.

J’espere de Vos sentiments tres conus, non seulement, que Vous aures la bonté de pardoner ma hardiesse, mais que Vous me daigneres aussi de quelque reponse, et c’est pourquoi je Vous ai ajouté mon adresse, en ayant l’honeur d’etre Monsieur Votre tres humble et tres obeissant serviteur