Jacques-Donatien Le Ray de Chaumont to William Temple Franklin (unpublished)
chaumont 20 9bre 1782

Quand on est accoutumé a se voir deux ou trois fois par jour et qu’on a contracté cette douce habitude parceque le plaisir vous y invite, être ensuitte plus d’un grand mois sans se dire un môt me parait assez singulier. Je vous avoue, mon cher Franklin que je m’y accoutume avec peine. Il n’en est peuteêtre pas de meme de vous; dans le tourbillon des affaires et des plaisirs vous vous appercevez a peine que vous en auriez peut être un de plus si j’étais a Passy. Cela pouroit bien arriver, et de peur que vous m’oubliez entierement, je veux vous consacrer une heure de mon tems et causer avec vous comme si vous etiez la present. Je vous reponds que si cela était je ne serais pas embarassé que vous dire, et que j’aurais encor bien des avantures a vous raconter, car je suis destiné a en avoir toujours quelques unes de singulieres, dans qu’elles situations quelconques ou je me trouve. J’espere que vous n’ignorez pas celle de ma brulure. Vous aurez su que ma main a été en feu pendant dix minutes au moins et qu’on a eu bon cracher et recracher dessus, la noier d’abord dans le vin ensuitte dans l’eau, l’ensevelir dans la terre, etc. etc. tout cela ne m’empechait pas de bruller, malheureusement je ne savois pas que le souverain remede étoit de pisser dessus j’en eu un moment l’idée, mais helas! jamais l’envie. Si cependant j’avais scu que ce fût mon unique ressource, nous avions deux femmes dans la voiture de bonne volonté qui au lieu de pisser de peur dans leurs chausses auroit pissées sur ma main par humanité, au lieu de cela je me crus incurable et je n’eus d’autre soulagement que de crier et maudire cette malheureuse composition. Oh je suis sur que c’est avec cela qu’Omphale induit la chemise qu’elle donna a ce pauvre Hercule. Ah! si cadet de vaux avait alors existé et qu’Hercule en bon Heros du siecle eut lu tout les matins son journal, il n’aurait pas êté si sot que de grimper au haut de la montagne pour crier comme un idiot ma chemise brule, il aurait pissé dedans et en depit de la malicieuse omphale grace a Mr Cadet de vaux Hercule aurait vecu. Mettez vite cela dans ce cahier de reflections commencé depuis quatre ans et ou il n’y a encor que deux pages d’ecrittes fautte de matieres assez interessantes. J’en ai encor une a vous donner a faire, M. Carry votre imprimeur honoraire, maintenant maitre d’Anglais, a Pontlevoy est devenu fou, et savez vous qu’elle est sa folie, c’est de croire que tout le monde se mocque de lui, c’est une folie qui n’est pas tres consequente, cependant il vient de la faire regarder comme un peu serieuse a un de ses amis, ou pour mieux dire au seul ami qu’il crut avoir a Pontlevoy. Il etait fort amicalement avec lui à côté de son feu, lorsqu’il lui vint dans l’idée que cet homme aussi était un mocqueur, et pour couper le mal dans sa racine il lui proposa de se battre tout de suitte au pistolet; l’autre ne trouvant pas l’impromptu bon, en fit sur le champ un meilleur et digne d’un abbé, il s’enfuit au plus vite de la chambre qui lui paraissait dans ce moment la aussi horrible qu’un champ de bataille, entre précipitamment dans la sienne, et de peur d’être poursuivi se jette par la fenetre et s’en va porter ses plaintes au prieur. Voila une des gentillesses de Mr. Carry. Je pourrois vous en raconter d’autres tout aussi plaisantes, mais je sais que vous ne consacrez pas tout votre tems au plaisir et que vous en reservez une grande partie aux affaires, ainsi il faut vous servir selon vôtre goût. Or ecoutez vous savez que Mr. votre grand pere a eu la bonté de faire venir une étoffe d’Irlande qu’on apelle L’Independance et que cet etoffe est resté a L’isle comme étant prohibé mais ma mere trouve actuellement un moien qu’elle croit bon pour l’en tirer et il suffit que Mr votre pere veuille bien donner un billet par lequel il enjoindra a Mr Sage de tenir cet etoffe a ma disposition au reste en voici le modele, ce billet êtant fait vous aurez la bonté mon cher ami de le remettre a Mr de la Touche et il aura soin d’apres les instructions que je lui ai données de le faire tenir a M. Sage. Vous sentez bien que la raison qui me fait demander ce billet c’est que Mr Sage croiant que l’etoffe est a vousne, s’en demettroit pas sans vos ordres. Un autre affaire qui vous regarde d’un peu plus pres c’est celle du cabriolet du maitre de poste de V ?. Je suis bien aise de vous apprendre que je viens de gagner pres de moitié sur le loier, il vouloit vous faire paier comme la Justice le demandait un petit ecu par jour pour le tems que vous l’avez gardé or comme le tems n’a été ni plus ni moins de trois semaines, vous en aviez pour trois louis mais j’ai arreté cela a 10 ecus. Quant au Harnois de cabriolet que vous avez perdu il a pris 40 livres de sorte que j’ai paié ces deux sommes pour vous et pour me mettre en regle je vous en donnerai les recus. C’est peu de choses pour un mylord comme vous et la paix qui semble s’eloigner rendant cela encor moindre. Vous m’entendez je crois. A propos est-il une chose publique que ce secret que vous m’avez confié là, j’en fais un mystere et si cela n’etait pas necessaire je serais bien aise de l’apprendre a des personnes qui seraient enchantés de le scavoir par l’interêt qu’ils prennent a tout ce qui vous regarde. Adieu, soiez mon interprette aupres de toutte l’aimable famille Brillon, vous scavez combien je les aime et je les estime, leurs souvenir vient souvent troubler mes plaisirs. J’en ai cependant eu dernierement un bien veritable a m’entretenir de toutte leur amabilité avec plusieurs personnes qui les ont vu lors de leurs passage a Pezé. Il y a surtout un certain Mr. de l’orme qui en rafolle ma foi presqu’autant que moi, le pauvre homme se desole depuis qu’il les a vu de n’avoir pas trente ans de moins et 30 mils livres de plus, vous me direz que c’est une bagatelle que ce n’est que du plus au moins. Mais adieu car en voila furieusement long, et si je me laissais aller au plaisir de m’entretenir je ne finirois pas. I wish you all sort of happiness and beg you will believe me for ever your most devoted friend

Le Ray

Pray, present my best and respectfull compliments to your grandfather. If he has some new Pamphlets of his which he wish to be translated, as I want to entertain myself in the english I will do that with the greatest pleasure and more so if it can afford some satisfaction to him.
Endorsed: Chaumont fils 20 Nov. 82.
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